Et si vous pouviez augmenter le volume et le taux de sucre de l’eau de vos érables simplement en modifiant leur environnement? Voici un portrait de ce que la recherche en dit.
Quand les érables coulent
Les acériculteurs savent que l’écoulement de l’eau d’érable au printemps dépend des cycles journaliers de gel et de dégel. Le passage entre des températures supérieures au point de congélation le jour et inférieures à ce point la nuit est primordial pour que l’eau d’érable puisse être récoltée. Il est aussi préférable que les nuits ne soient ni trop chaudes, ni trop froides. En effet, les grands froids nocturnes peuvent entraver l’écoulement de la sève le jour suivant, car le xylème (le bois) met alors plusieurs heures à se réchauffer avant de libérer le précieux liquide. Les variations de température quotidiennes sont donc très importantes dans ce processus.
Toutefois, lorsqu’on s’attarde à l’effet du climat sur la production de sirop d’érable à grande échelle, les recherches n’identifient pas de cause précise qui pourrait expliquer les variations de rendement entre les différentes régions et années. La température maximale, la couverture de neige, les précipitations et les températures hivernales, le nombre de jours où la température passe sous 0 °C ainsi que les degrés-jours de croissance semblent avoir un effet, mais ni la température, ni la fréquence des événements de gel-dégel arrivent à expliquer à eux seuls les rendements en sirop d’érable et leur variation interrégionale.
Autrement dit, la production de sirop d’érable est étonnamment assez stable au travers d’une large panoplie de températures et de régions. Il n’existe pas d’optimum climatique « miracle » qui favoriserait drastiquement une région au détriment des autres, ce qui est une bonne nouvelle pour l’acériculteur, puisqu’il n’a aucun contrôle sur la météo. Mais si le climat n’est pas l’unique responsable, quels sont les autres facteurs environnementaux qui influencent la production de sirop d’érable?
LE GRAND VOYAGE DU SUCRE
Les sucres changent de noms et de formes au sein d’un arbre et au cours des saisons. Ils sont parfois entreposés comme réserve (amidon) ou alors mobiles dans la sève et les tissus végétaux (ex. : sucrose et glucose). Ils peuvent être convertis d’une forme à l’autre selon les besoins de l’arbre et la période de l’année.
Durant l’été, lorsque l’activité photosynthétique bat son plein, les réserves d’amidon sont basses. C’est à la fin de l’été et au début de l’automne que l’arbre refait ses réserves et qu’il les entrepose, entre autres, dans les rayons du xylème. Le processus s’inverse à l’hiver. En effet, durant les mois les plus froids de l’année, l’arbre convertit une partie de son amidon en sucres solubles. Les chercheurs pensent que ce processus aurait un rôle à jouer dans la tolérance au froid. C’est finalement sous cette forme soluble que nous récoltons les sucres, principalement du sucrose, dans l’eau d’érable au printemps.
Remplir sa chaudière
Les rendements en sirop d’érable peuvent être séparés en deux composantes : le volume d’eau récoltée et la concentration en sucre. En ce qui concerne le volume, les études semblent s’entendre sur l’importance de la santé de l’arbre pour obtenir une coulée abondante. Ainsi, des arbres de fortes tailles, à croissance élevée et aux cimes vigoureuses auront tendance à couler plus que leurs homologues aux branches abîmées par le verglas par exemple, ou poussant sur des sols pauvres qui limitent leur croissance. En ce sens, les traitements de fertilisation ont démontré leur efficacité pour augmenter le volume d’eau d’érable produit. Les effets peuvent se manifester jusqu’à 18 ans après l’application du traitement. La fertilisation permet d’augmenter la vigueur de la cime, qui à son tour permet d’augmenter la croissance de l’arbre et la largeur de son cerne annuel, ce qui finalement augmente le volume d’eau produit.
Toutefois, les résultats sur la fertilisation ne sont pas unanimes dans la littérature scientifique. Il semble que ce traitement n’ait d’effets que si le milieu présente au préalable une carence en éléments nutritifs. En d’autres mots, si votre sol est riche, il n’est pas recommandé d’appliquer un traitement de fertilisation pour augmenter le volume d’eau d’érable par arbre, car les effets seront probablement nuls ou minimes.
En ce qui concerne les autres interventions sylvicoles, comme les coupes forestières visant à réduire la densité, leurs effets sur la production d’eau d’érable sont mal documentés. À ma connaissance, la majorité des études en sylviculture des érablières portent sur la croissance et l’abondance des érables, sans examiner l’impact sur la coulée d’eau d’érable. Il y a bien une étude qui s’intéresse à l’effet des traitements d’éclaircie sur les rendements en sirop d’érable, mais les résultats n’indiquent pas d’amélioration marquée dans le volume produit par arbre durant une période de suivi de 14 ans. De plus amples recherches seraient nécessaires pour valider ou infirmer ce résultat.
Bref, bien qu’en théorie une amélioration de la croissance via une coupe partielle devrait se traduire par de plus grands volumes d’eau d’érable par arbre et par entaille, la littérature établissant un lien direct entre ces trois composantes (coupes forestières santé et croissance volume par entaille) est déficiente. Cette avenue reste donc à développer.