S'adapter à l'hiver : les stratégies de la faune et les nôtres envers elle


L’hiver est une saison ardue pour la faune de nos forêts : le froid augmente les besoins en énergie, les sources de nourriture sont plus rares, les déplacements sont plus exigeants avec la neige, etc. Dans cet article, nous verrons diverses stratégies des animaux pour s’adapter à cette saison rigoureuse, mais aussi des adaptations que nous pouvons appliquer pour ne pas leur nuire en premier lieu, puis des stratégies pouvant les aider.


 

Affronter ou éviter l’hiver

À l’image des Québécois, de nombreux animaux restent au Québec pour affronter l’hiver alors que d’autres quittent les lieux pour des horizons plus chauds. Les principaux groupes d’animaux migrateurs du Québec sont les oiseaux et les papillons. Il ne faut pas oublier ceux qui se déplacent pour suivre la nourriture, mais qui restent à l’intérieur du Québec, tel le caribou.
 

Parmi ceux qui demeurent en place, il y a les animaux qui prennent une pause et hibernent. Plus précisément, l’animal passe dans un état de léthargie avancée. Son cerveau ne commande plus que les fonctions vitales. Sa température corporelle diminue, parfois jusqu’à 0oC. Son métabolisme ralenti de 98 %. Cela veut dire que les battements du cœur peuvent passer de 350 battements par minute à 3. Parmi les animaux qui hibernent, on dénombre la marmotte, la grenouille et la chauve-souris. On dit souvent de l’ours qu’il hiberne, mais il est plutôt un animal semi-hibernant. Cela veut dire qu’il est plus réactif qu’un animal hibernant réellement et qu’il peut se réveiller à tout moment. 

 


Savez-vous que le terme hibernation peut être utilisé pour parler des plantes à feuilles caduques, car tels les animaux, ces plantes tombent en dormance et ont un métabolisme très réduit? 


 

S’adapter au froid

En prévision de la chute des températures, les animaux vont isoler leur corps de différentes façons. Ils peuvent épaissir leur fourrure et leur plumage. Ils peuvent même par temps très froid gonfler leur protection par horripilation pour augmenter le facteur isolant. Les animaux accumulent aussi des graisses afin de produire plus de chaleur interne. Chez les oiseaux, cette dernière option se limite à une réserve maximale de deux jours, car un surplus de graisse les empêcherait de voler. Les oiseaux vont plutôt se réchauffer grâce à la chaleur produite par l’effort du vol ou par frissonnement. Pendant la nuit, ils peuvent entrer dans un état léthargique pour éviter la perte de chaleur. 
 

Parmi les autres adaptations physiologiques, il y a la production d’antigel chez les grenouilles, telle la grenouille des bois qui passe l’hiver cachée parmi les feuilles mortes en forêt. La grenouille des bois accumule du sucre dans ces cellules à un tel point que l’intérieur de son corps ressemble à du sirop ou une barbotine. Le sucre abaisse le point de congélation de l’eau et évite aux cellules d’éclater. 
Pour finir, les animaux appliquent des adaptations comportementales telles que la recherche d’abris contre le froid et les vents. Pour les gros animaux, les conifères sont recherchés alors que pour les plus petits, se déplacer sous la neige est particulièrement protecteur. Les animaux peuvent aussi de regrouper pour se réchauffer. 

 

 

S’adapter à la nourriture disponible

La diversité, la qualité et la quantité des sources alimentaires sont réduites en hiver par apport à l’été. Les animaux doivent donc s’y préparer. Ils peuvent faire des réserves sous forme de graisse (ex. l’ours) ou de garde-manger (ex. l’écureuil). Ils peuvent s’habituer à manger autre chose. Par exemple, le cerf de Virginie mange des feuilles, des herbacées, des fruits et des champignons en été alors qu’en hiver, il consomme essentiellement des ramilles d’arbre. Ce changement alimentaire nécessite une modification du système digestif afin de parvenir à digérer un haut degré de fibres en hiver. Cette transition du système digestif se fait graduellement à l’automne par un changement progressif des aliments.  Le mélèze serait, semble-t-il, une excellente transition. 

 

 

Éviter de nuire à la faune

Les adaptations citées précédemment sont des particularités développées par les espèces au fil de leur évolution. La présence de l’activité humaine intensive en forêt est relativement récente dans l’histoire de l’évolution de la faune. Il y a donc un risque que certains de nos comportements actuels entrent en contradiction avec les adaptations des animaux. Il faut être vigilant dans nos activités afin d’éviter de nuire à la faune. Voyons quelques recommandations.

  • Il faut éviter de s’approcher ou de pourchasser un animal sauvage, autant nous que nos animaux domestiques. Le stress et la fuite occasionnés par notre proximité augmentent le besoin métabolique et les pertes en énergie de l’animal.

  • Il faut éviter de nourrir les animaux avec des aliments non adaptés au régime alimentaire de l’animal. Un exemple typique est le nourrissage du cerf. Donner des carottes à un cerf en hiver est souvent plus dommageable que bénéfique. La capacité de digestion du cerf varie au fil des saisons. En hiver, il est adapté aux fibres plutôt qu’aux sucres. Le cerf va donc dépenser plus d’énergie à digérer une carotte que ce qu’elle va lui apporter.

  • Il faut éviter de réveiller les animaux hibernant, car la réactivation de leurs fonctions cognitives va générer une utilisation importante des réserves. Lorsque l’animal va se rendormir, il pourrait ne plus avoir assez de réserve pour survivre au reste de l’hiver. Un des exemples à éviter est le réveil des chauves-souris. Les chauves-souris se réveillent naturellement une fois par hiver pour boire un peu d’eau, mais un seul réveil additionnel peut leur être fatal. Il faut donc impérativement éviter leur lieu d’hibernation. Pensons surtout aux grottes et aux tanières. 

  • En tant que randonneur, il faut rester dans les sentiers afin d’éviter de piétiner la faune qui s’est abritée sous la neige. Les balades hors sentier ont aussi pour effet de compacter la neige, ce qui la rend nettement moins isolante et réduit la capacité de la faune à se protéger du froid. 

 

 

Agir en pensant à la faune

Les gestionnaires et les propriétaires de terrains ou forêts peuvent adapter leurs pratiques afin d’aider la faune et d’améliorer leur habitat hivernal. Pour ce faire, on peut créer des abris contre le froid ou les vents et on peut offrir des sources de nourriture adaptées. Chaque animal a des besoins spécifiques. Il n’est donc pas possible de lister l’ensemble des options dans ce texte, mais voyons tout de même quelques idées.  

 

 

Préserver ou créer des abris
  • Laisser au sol des débris ligneux (feuilles, branches et troncs). La matière organique au sol aide à ce que le gel pénètre moins profondément dans le sol. D’ailleurs, en horticulture, on suggère de mettre des feuilles mortes au pied des arbres nouvellement plantés. Cela peut aider à éviter le soulèvement des racines par le gel. Pour la faune, un gel moins profond protège les animaux vivants, par exemple, dans des terriers.

  • On peut créer des protections contre les vents glaciaux en disposant, par exemple, des amoncellements de branches de conifère. Ces tas vont aussi offrir une protection visuelle contre les prédateurs. 

  • On peut conserver ou planter des arbres offrant une bonne protection contre les vents et le froid. Pensons aux conifères ou arbustes denses. La pruche du Canada est particulièrement appréciée des cerfs, car sa forme et ses caractéristiques maintiendraient une quantité moindre de neige en dessous d’elle, facilitant les déplacements. 

  • Les arbres à cavité, morts ou vivants, offrent des abris intéressants pour les oiseaux et les petits mammifères. Ce sont donc des arbres à maintenir. Pour ceux qui voudraient recréer ce genre d’abri, il est possible d’installer des cabanes en bois. Il faut d’abord penser à la conception de la cabane. Un abri estival doit laisser sortir l’air chaud alors qu’en hiver, ce doit être l’inverse. Le trou d’entrée devrait être au bas de la cabane et il devrait y avoir des perchoirs internes plus haut, dans la zone chaude. Ensuite, il faut penser à la position de la cabane, idéalement à l’abri des vents et exposé au soleil. Puis, il est préférable d’orienter l’ouverture de la cabane du côté opposé aux vents dominants. 

 

 

 

Générer des sources alimentaires

Les principales sources alimentaires utilisées en hiver sont les feuilles et fruits persistants, les bourgeons, les ramilles et l’écorce. Chaque animal a des espèces préférées alors avoir une bonne diversité de végétaux est un bon départ. Certaines espèces sont particulièrement intéressantes. Le sorbier possède des fruits persistants, c’est-à-dire qu’ils demeurent sur les ramilles même en hiver. D’autres plantes, comme les peupliers, saules, aulnes, amélanchiers, cornouillers, sont facilement digestes. Elles offrent donc un bon apport en énergie par apport aux efforts de digestion. 
 

La hauteur des sources alimentaires est aussi un facteur limitant pour de nombreuses espèces. Le couvert de neige peut améliorer l’accessibilité des éléments en hauteur, mais c’est limité. Stimuler une régénération basse en arbres ou la présence d’arbustes est donc important. Pour ce faire, il faut maintenir une densité dans la canopée permettant un certain niveau de lumière au sol. N’hésitez pas à communiquer avec un ingénieur forestier pour établir la bonne densité à conserver. 
Enfin, les coupes forestières en hiver peuvent offrir un apport massif de nourriture pour la faune. En laissant les branches au sol suite au retrait des troncs, on rend disponibles des sources alimentaires qui seraient inaccessibles pour la plupart des animaux. D’ailleurs, saviez-vous que les cerfs n’ont pas peur de la machinerie d’abattage? Peut-être ont-ils compris que ce sont les prémisses d’une abondance de nourriture, car généralement, ils ne mettent que très peu de temps à être sur les lieux. 

 

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