Cet article présente quelques points de réflexion dans le choix d’un évaporateur. Le but des entreprises acéricoles est de produire du sirop savoureux. C’est la saveur qui donne de la valeur à notre sirop d’érable.
Disponibilité du sucrier
Chaque personne a ses contraintes de temps. Dans les petites entreprises (ex. : moins de 4 000 entailles), les propriétaires doivent accomplir l’ensemble des tâches. Dans ce type d’entreprise, souvent l’acériculture est considérée comme un revenu d’appoint. Le travail régulier sur la ferme ou à l’extérieur de la ferme continue pendant le temps des sucres. Les propriétaires doivent aussi surveiller et entretenir le système de collecte tout en produisant du sirop à la cabane. Dans ces conditions, on se doit de limiter le temps d’évaporation journalier moyen à plus ou moins 4 heures avec des pointes de 8 à 10 heures lors de très bonnes coulées. Certains acériculteurs peuvent choisir par exemple de bouillir tous les deux jours. Ces contraintes de temps pour évaporer l’eau d’érable contribuent à augmenter la dimension de l’évaporateur nécessaire et les coûts de possession qui s’y rattachent.
Dans les entreprises de plus grande taille, où des employés rémunérés travaillent lors de la saison des sucres et souvent où une personne désignée opère l’évaporateur, on peut augmenter la période quotidienne d’évaporation. La durée de cette période moyenne peut atteindre 6 à 8 heures avec des pointes de 14 à 16 heures lors de coulées importantes.
Conditions physiques
Dans le cas des évaporateurs au bois, la personne qui place le bois dans l’évaporateur doit pouvoir se pencher, sans problème, jusqu’à des centaines de fois par jour. S’il n’est pas possible d’avoir accès à une telle personne sur l’entreprise, il faut regarder pour un autre type d’évaporateur. De manière générale, les évaporateurs au bois nécessitent du temps et une bonne condition physique.
Niveau de concentration
La sève d’érable peut avoir une concentration de 1,5° à 4° Brix. En concentrant la sève par la séparation membranaire, on réduit la quantité d’eau à évaporer et on réduit la quantité d’énergie nécessaire.
La séparation membranaire réduit de 2 à plus de 10 fois la quantité d’énergie nécessaire pour évaporer et cuire le sirop. La séparation membranaire consomme de 100 à 200 fois moins d’énergie que l’évaporation simple. De là vient sa popularité pour les entreprises qui produisent plus de 300 gallons de sirops par année.
Les entreprises de 5 000 entailles et moins concentrent rarement au-dessus de
12° Brix. Pour les entreprises de 10 000 entailles, le niveau de concentration visé est de 16° Brix. À 16° Brix, la pression de fonctionnement du concentrateur est de l’ordre de 500 psi. Attention, ce niveau de pression dépasse la pression maximale recommandée de certaines membranes. Il est important pour l’intégrité du sirop de vérifier la pression maximale du type de membrane que vous utilisez.
Le tableau 1 présente les limites de pression d’opération de certaines membranes utilisées en acériculture. Une membrane opérant au-delà de sa limite de pression maximale risque de se détériorer rapidement et risque aussi de faire perdre une partie non négligeable des éléments composant l’eau d’érable. Dans le choix de taille d’un évaporateur, la capacité du système de séparation membranaire doit être suffisante pour atteindre en tout temps ces niveaux de concentration même en période où l’eau d’érable est très froide. L’évaporateur ne devrait pas attendre après le séparateur. La capacité de traitement de l’évaporateur dépend du respect de cette règle.
Temps de séjour dans l’évaporateur
Le temps de séjour est le nombre de minutes que le concentré passe sur le feu avant de se transformer en sirop. Cette durée de cuisson est déterminante dans le développement de la saveur du sirop. Plusieurs conseillers recommandent un temps de séjour de plus de 45 minutes dans l’évaporateur. Le niveau du Brix de transfert entre la panne à plis et les pannes à fond plat ne doit pas dépasser 35° à 38° Brix pour atteindre ce temps de cuisson du sirop.
Durée de la période d’évaporation
Notre objectif est de concentrer et d’évaporer l’eau d’érable pendant la période de disponibilité du sucrier. Comme mentionné précédemment, pour les petites entreprises, cette période est de l’ordre de 4 à 5 heures par jour de coulée en moyenne. Cette durée d’évaporation peut être considérée comme une période d’évaporation minimale pour l’efficacité des évaporateurs (démarrage, opération, arrêt). Avec des durées moyennes d’évaporation de moins de 4 à 5 heures, on augmente la consommation de combustible de 8 à 12 % sur une base annuelle. Le sirop risque également d’être plus foncé ; d’où l’importance de choisir une taille d’évaporateur qui va opérer plus de 4 heures par jour en moyenne.
Allumer un évaporateur pour moins de 3 heures d’évaporation est une perte de temps pour la main-d’œuvre et cela augmente la consommation de combustible de façon importante. Il est préférable d’attendre au lendemain afin d’avoir assez de concentré pour bouillir plus longtemps. Sauf si la météo nous indique qu’il n’y aura pas de coulée le lendemain.
Pierre de sucre
De la pierre de sucre, communément appelée rache, se forme dès qu’on fait bouillir la solution. La rache est formée par la cristallisation de certains éléments qui se combinent pour former un sel dans la solution. L’acide malique, la silice, le calcium, le magnésium, des molécules de sucre et d’autres éléments se combinent pour former un sel en suspension dans la solution. Ces éléments perdent de la solubilité à mesure que la température augmente. La formation de ces sels s’accélère avec l’augmentation de la concentration en sucre. La pierre de sucre est généralement composée à 68 % de sucre. En ayant des conditions d’évaporation optimales, on peut réduire le volume de pierre de sucre et de rache formée et diminuer d’autant la perte de sirop.
Ces sels auront une tendance plus forte à se déposer au fond et sur les parois des pannes si la vitesse de circulation de la solution dans les sections de pannes est réduite. C’est ce qui forme la pierre de sucre. Cette sédimentation de la rache peut être diminuée en contrôlant les points chauds dans l’évaporateur, en trouvant le moyen de faire des petites coulées de sirop rapprochées dans le temps et en tendant même vers la coulée continue du sirop. Ainsi, le mouvement constant de la solution dans les pannes diminue la sédimentation des sels et la formation de pierres de sucre.
Les points chauds de l’évaporateur généreront également plus de pierres de sucre. Lorsque l’épaisseur de pierres de sucre devient importante, l’efficacité du transfert de chaleur est réduite. La pierre de sucre est de 10 à 20 fois moins conductrice de chaleur que l’acier inoxydable. Lorsque l’épaisseur de cette pierre devient importante, il y a un risque de déformation du métal, car il n’est pas assez refroidi par la solution. La pierre de sucre agit comme un isolant qui empêche l’eau de refroidir le métal. La pierre de sucre réduit l’efficacité énergétique de votre évaporateur et augmente les risques de produire de mauvais goûts dans le sirop.
Si la pierre de sucre apparaît d’une manière importante dans les plis de la panne à plis, il y a un risque que le métal de cette dernière devienne si mou qu’elle s’effondre dans le foyer. Ceci a plus de chance d’arriver aux entreprises qui concentrent à plus de 14° Brix et qui possèdent un évaporateur qui n’a pas suffisamment de surface à fond plat par exemple.
Brix plis-plat
Le Brix de transfert plis-pat est le taux de concentration lorsque le réduit passe des pannes à plis aux pannes à fond plat. L’importance de connaître cette mesure vient du changement rapide de la viscosité du concentré lorsqu’on dépasse 37° ou 38° Brix. À partir de ce niveau, la viscosité de la solution augmente rapidement et celle-ci circule moins bien. Le risque de pierrer la panne à plis s’en trouve d’autant augmenté. Dépierrer la panne à plis est une tâche longue et pénible que le sucrier veut éviter autant que possible. Le temps est précieux pendant la saison des sucres. Le Brix de transfert en dessous de 35° ou 38° génère un temps de cuisson adéquat pour le développement de la saveur du sirop.
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