Le petit polatouche est un mammifère principalement associé aux forêts feuillues matures du sud du Québec, notamment aux érablières. Il s’agit d’une espèce susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable, qui est affectée entre autres par la perte et la modification de son habitat. Savoir reconnaître les milieux propices au petit polatouche et adapter ses pratiques d’aménagement lorsqu’il est potentiellement présent peuvent contribuer à la conservation de cette espèce.
Une espèce peu répandue au Québec
Le petit polatouche (Glaucomys volans) est une espèce d’écureuil volant retrouvée dans les forêts de feuillus tolérants à l’ombre du sud du Québec. Il s’agit d’une espèce susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable en vertu de la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. Ayant une apparence générale semblable à celle d’un écureuil, le petit polatouche est également muni d’une membrane musculaire, appelée patagium, qui s’étend entre ses pattes avant et arrière. Cette membrane permet au polatouche de planer d’un arbre à l’autre, sans toutefois qu’il soit en mesure de voler, d’où son surnom d’écureuil volant. Le petit polatouche a un pelage gris-brun, sauf pour son ventre qui est de couleur blanche.
Il s’agit d’un animal nocturne très discret, mais qui peut parfois être observé durant le jour. Il est par ailleurs actif toute l’année et vit habituellement de trois à quatre ans en nature. Le domaine vital des femelles peut aller jusqu’à près de quatre hectares (10 acres) et en une seule nuit, les mâles adultes peuvent se déplacer de plus de deux kilomètres. En moyenne, une portée compte trois petits. Le petit polatouche se nourrit avant tout de noix, mais consomme également des insectes et autres invertébrés, des petits oiseaux, des œufs, des charognes, des petits fruits, des champignons, des lichens, des semences, des bourgeons et de l’écorce. En été, son régime alimentaire est en grande partie composé d’insectes.
L’espèce est retrouvée dans l’est de l’Amérique du Nord, soit du sud du Canada (Québec, Ontario et Nouvelle-Écosse) au Golfe du Mexique, avec quelques populations isolées au Mexique et en Amérique centrale. Alors qu’il était considéré, jusqu’à récemment, que l’aire de répartition de l’espèce était limitée au sud-ouest du Québec, des travaux d’inventaire récents ont permis d’élargir celle-ci vers l’est jusqu’à la région de Sherbrooke. De nouvelles mentions ont également été obtenues plus à l’ouest en Outaouais.
Le petit polatouche est très difficile à différencier du grand polatouche (G. sabrinus), une autre espèce d’écureuil volant, qui est beaucoup plus répandu sur le territoire québécois. Comme son nom l’indique, le grand polatouche est d’abord de taille plus grande. De plus, ses poils ventraux sont gris à la base, tandis que ceux du petit polatouche sont blancs sur toute leur longueur. Malgré ces critères, des analyses moléculaires sont parfois nécessaires pour différencier les deux espèces, notamment en raison du risque de confondre un grand polatouche juvénile avec un petit polatouche adulte.
Besoins en matière d’habitat
Le petit polatouche est principalement associé aux forêts matures et denses de feuillus. Il apprécie particulièrement les peuplements composés d’érables, de hêtres, de chênes, de noyers ou de peupliers. À l’occasion, il est également retrouvé dans des forêts mixtes où le pin est présent. Deux facteurs déterminants pour la sélection de l’habitat de cette espèce sont la présence d’essences produisant des noix, desquelles le petit polatouche se nourrit, ainsi que celle d’arbres et de chicots à cavités, qu’il utilise pour s’abriter et nicher. Les peuplements matures sont recherchés par ce petit mammifère, puisque les arbres âgés sont plus susceptibles de comporter des cavités et de produire des noix en abondance. Par ailleurs, le petit polatouche semble apprécier particulièrement les secteurs forestiers situés à proximité de plans d’eau ou de milieux humides.
Le petit polatouche est notamment un utilisateur secondaire des cavités creusées par des pics, principalement le pic mineur (Picoides pubescens) et le pic chevelu (P. villosus). Ceux-ci creusent généralement leurs cavités dans des arbres morts ou moribonds lorsqu’il s’agit d’essences de bois dur, mais peuvent excaver des arbres sains appartenant à des essences de bois mou, comme le peuplier faux-tremble. Le petit polatouche
utilise également de manière fréquente des trous de nœuds ou de branches brisées ainsi que des cavités formées dans des arbres malades. Ainsi, bien que des nids de l’espèce soient souvent observés dans des arbres vivants, les chicots et les arbres moribonds s’avèrent particulièrement propices. Les cavités occupées par ce petit mammifère ont généralement une entrée de 3,5 à 5 centimètres de diamètre, tandis que la hauteur sur le tronc, très variable, est d’environ 5 à 7 mètres (16 à 23 pieds) en moyenne. Le petit polatouche construit un nid de feuilles et de brindilles à l’intérieur de la cavité, dans lequel il vit en groupe d’environ six individus en hiver.
Menaces et état des populations
La perte et la modification de l’habitat du petit polatouche, notamment par la diminution du couvert forestier et l’abattage des arbres à cavités ou producteurs de noix, constituent la principale menace qui pèse sur l’espèce au Canada. Les facteurs limitatifs incluent également la prédation (notamment par le chat domestique), la compétition avec l’écureuil gris (Sciurus carolinensis) et l’action directe des humains. Les pesticides, en diminuant l’abondance des insectes qui contribuent à l’alimentation du petit polatouche, pourraient également s’avérer nuisibles aux populations. Au Canada, il est considéré que les populations du petit polatouche sont stables. Toutefois, des variations interannuelles importantes sont observées dans les tailles de populations.
Au Québec, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) contribue au suivi de l’espèce. Des inventaires sont notamment réalisés dans des milieux propices, afin de documenter davantage l’aire de répartition de l’espèce, et ainsi, de favoriser sa protection. Le MFFP a d’ailleurs collaboré avec divers intervenants (Zoo de Granby, Université de Montréal, Université de Sherbrooke, trappeurs, etc.) dans le cadre de ces travaux d’acquisition de connaissances. La présence du petit polatouche est également suivie par le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec (CDPNQ), une unité intégrée aux structures administratives du MFFP et du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).
Considérer le petit polatouche dans les aménagements forestiers
Comme mentionné précédemment, le petit polatouche est une espèce susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable au Québec. Quelques aménagements et mesures particulières peuvent contribuer à la conservation de cette espèce faunique dans les forêts qui l’abritent. Puisque le petit polatouche est difficile à observer et que son aire de répartition est encore relativement peu connue au Québec, il est nécessaire, tout d’abord, d’examiner les caractéristiques d’un milieu forestier afin d’évaluer si l’espèce est potentiellement présente.
Puisque les chicots ainsi que les arbres moribonds ou présentant des cavités offrent des abris au petit polatouche, leur conservation est cruciale pour le maintien d’un habitat propice à l’espèce. Les arbres et chicots présentant un diamètre élevé sont généralement les plus intéressants à conserver d’un point de vue écologique. À cet effet, les chicots conservés devraient préférablement avoir un diamètre d’au moins 20 centimètres. En plus de favoriser le petit polatouche, les chicots profitent à plusieurs autres espèces fauniques, incluant entre autres une variété d’oiseaux, de mammifères et d’insectes bénéfiques. Ainsi, la conservation de 10 à 12 chicots par hectare (2,5 acres) de forêt, répartis sur le territoire, est recommandée.
Une autre mesure favorisant la protection du petit polatouche est la conservation des arbres à noix. Le hêtre à grandes feuilles, les caryers et les chênes produisent des noix particulièrement appréciées par l’espèce. Dans ce cas également, la conservation des arbres matures est encouragée, puisque ces derniers produisent des quantités supérieures de noix. Une régénération de ces essences devrait néanmoins être conservée pour assurer la qualité de l’habitat à plus long terme.
Dans les forêts susceptibles d’abriter le petit polatouche, la coupe de jardinage est à privilégier pour minimiser les impacts sur l’habitat de l’espèce, puisqu’elle permet de maintenir le couvert forestier. La conservation de liens boisés avec les milieux forestiers adjacents est également souhaitable, afin de ne pas entraver les déplacements des individus.
Lorsque des arbres matures ou des chicots doivent être coupés sur un lot abritant le petit polatouche, il est recommandé d’y procéder, si possible, en septembre ou en octobre. En effet, les travaux effectués entre la fin du mois d’avril et la fin du mois d’août devraient être évités, puisqu’il s’agit de la période de reproduction de l’espèce. Il est également souhaitable d’éviter la coupe des arbres comportant des nids durant l’hiver, puisque les petits polatouches ne seraient alors pas en mesure de trouver un nouvel habitat durant cette période.
L’adoption de mesures favorables au petit polatouche, qui participe à la dissémination des végétaux, consomme des insectes et joue plusieurs rôles dans la chaîne trophique, aura sans doute plusieurs autres bénéfices indirects sur la faune et la flore forestière.
Un animal unique à observer
Somme toute, le petit polatouche est un animal réellement fascinant et bénéfique pour nos forêts. Le sud du Québec a la chance de lui offrir un habitat propice, et tous ensemble, par de simples interventions forestières, nous pouvons faire en sorte que cette petite bête discrète soit bien établie dans nos érablières. Finalement, si vous avez la chance de l’observer, vous êtes invités à faire parvenir votre mention au CDPNQ.