Le nerprun carthartique et la paruline à ailes dorée


La paruline à ailes dorées est à la limite de son aire de répartition à la frontière entre le Canada et les États-Unis. La population de ce petit oiseau nicheur aurait subi un déclin de près de 80 % au Canada au cours des 15 dernières années. Il est donc primordial de prendre les mesures nécessaires pour protéger cette espèce et conserver ses habitats de nidification connus au Québec et au Canada.


 

L’habitat de la paruline à ailes dorées (Vermivora chrysoptera) est menacé par plusieurs pressions causées par l’homme et les espèces exotiques et envahissantes ne font pas exception. En Montérégie, le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica), cette espèce provenant d’Eurasie, colonise les friches que cet oiseau utilise pour se nourrir et se reproduire. Un contrôle est donc nécessaire pour assurer la conservation de son milieu. Voici le résumé d’une première expérience réalisée sur le territoire de Corridor appalachien en Montérégie. 

 

Deux espèces à surveiller

Sur une partie du territoire de Corridor appalachien, on retrouve quelques rares occurrences confirmées de la paruline à ailes dorées, une espèce désignée menacée au Canada et susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable au Québec. Ce secteur est l’un des plus importants du sud-est de la Montérégie en termes de qualité d’habitat et de fréquence de nidification de l’espèce. L’habitat de la paruline à ailes dorées est surtout composé de marécages arbustifs, de champs agricoles fauchés périodiquement et de friches arbustives. 

Malheureusement, de nombreux habitats lui convenant sont maintenant envahis par le nerprun cathartique. Cette espèce nuit à la paruline, car sa densité est beaucoup trop grande et elle ferme rapidement les friches utilisées par l’espèce. En effet, l’arrivée du nerprun dans un espace ouvert peut aller jusqu’à doubler ou tripler la densité arbustive. Moins d’insectes seraient observés dans les lieux où le nerprun cathartique domine ce qui rend la chasse plus difficile et diminue la diversité des oiseaux insectivores. 

 

 

Une intervention nécessaire

C’est devant ces constations que Corridor appalachien a décidé de restaurer un habitat connu comme étant propice au nerprun cathartique en participant au contrôle de cette plante exotique et envahissante. La présence de cette espèce a été détectée dans l’habitat de nidification de la paruline à ailes dorées lors d’une visite réalisée en 2013 avec des ornithologues d’Audubon Vermont et du Club d’ornithologues de Brome-Missisquoi. L’arbuste a été recensé sur un petit coteau plus sec, en bordure extérieure d’un milieu humide, et se manifestait notamment par un îlot très dense, et par quelques occurrences disséminées à proximité. L’objectif a donc été de contrôler le nerprun pour favoriser un habitat idéal pour l’alimentation et la reproduction de la paruline. 

Lors de la planification des travaux ainsi que des activités de contrôle ou de gestion du nerprun cathartique, une contrainte biologique majeure devait être considérée. Il s’agit de la période de nidification de la paruline à ailes dorées qui s’étend généralement entre le 1er mai et le 15 juillet dans le sud du Québec. Afin de minimiser les impacts sur l’espèce, les efforts de contrôle du nerprun cathartique sur la propriété ont été réalisés en dehors de cette période.

Les travaux ont débuté à l’automne 2014 et ont permis de localiser précisément le nerprun cathartique dans l’habitat optimal de la paruline à ailes dorées sur la propriété. De plus, des mesures de contrôle du nerprun cathartique ont été entamées au niveau de l’îlot le plus dense. Une coupe des tiges et l’application de phytocide (glyphosate) sur les souches fraîchement coupées ont eu lieu.

Des travaux réalisés au printemps 2015 visaient ensuite à limiter l’expansion de jeunes pousses de nerprun en créant un ombrage rapide et étendu, grâce à la plantation d’arbustes indigènes adaptés au milieu de croissance et au semis de plantes herbacées spécialisées. Sachant que la lumière incite les graines de nerprun dans le sol à germer, il est important de semer et de planter des espèces qui pourront compétitionner avec celui-ci le plus rapidement possible. Malgré le retrait des gros individus, on peut retrouver une banque de 1000 à 5000 graines sous ceux-ci.

 

Ajouter des compétiteurs pour contrer les effets du nerprun 

Suivant les conseils de Patrick Boivin, chercheur à l’Institut de recherche en biologie végétale, un mélange de graines a été semé à travers le site contrôlé par la coupe et l’arrachage, particulièrement dans les zones présentant un sol à nu ou un manque de couvert arbustif ou arborescent. Les trois espèces suivantes étaient contenues dans le mélange de graines :

  • Verge d’or du Canada (Solidago canadensis

  • Ivraie annuelle (Lolium multiflorum)

  • Trèfle rouge (Trifolium pratense)

Ce mélange, dont les proportions font l’objet d’une entente de confidentialité dans le cadre d’un projet de recherche et développement, vise à permettre l’étendue de plantes couvre-sol en années (1) et (2), puis l’établissement d’un couvert important de verge d’or du Canada en année (3). En effet, la verge d’or du Canada est une plante allélopathique, c’est-à-dire que ses racines produisent des composés biochimiques qui inhibent la croissance d’autres plantes. Cette propriété de la verge d’or semble particulièrement intéressante dans le cas de la lutte contre la repousse du nerprun, bien qu’aucune expérience à long terme n’ait pu être mise en place à ce jour afin de démontrer son efficacité. L’ensemencement d’un mélange de graines de plantes couvre-sol et d’une plante allélopathique sur la propriété est donc une mesure expérimentale. 

Au niveau des arbustes, l’équipe terrain de Corridor appalachien a procédé à la plantation de 160 arbustes indigènes provenant de la pépinière de la MRC Brome-Missisquoi. Les espèces plantées étaient les suivantes :

  • Sureau du Canada (Sambucus canadensis)

  • Viorne trilobée (Viburnum trilobum)

  • Cornouiller stolonifère (Cornus stolonifera)

 

 

Un suivi à long terme au profit de la paruline à ailes dorées

Depuis le début des activités de contrôle de cette plante exotique envahissante en 2014, l’objectif principal demeure de maintenir les acquis en limitant la propagation du nerprun cathartique sur ce site d’intérêt écologique. À cet effet, au cours des cinq dernières années nous avons tenu des travaux d’arrachage manuel des pousses issues de la banque de graines présente dans le sol ainsi que des plants de plus grandes tailles présents en périphérie de la zone traitée antérieurement. 

Pour la suite, il est prévu qu’un suivi de la zone contrôlée soit effectué au printemps et à l’automne des prochaines années en dehors de la période de nidification de la paruline à ailes dorées afin de maintenir les acquis. Nous prévoyons aussi réaliser un suivi de la présence et des activités de nidification de la paruline à ailes dorées, afin de détecter si les travaux ont un impact sur l’utilisation de l’habitat par la paruline. 

 

Des résultats prometteurs 

En 2020, l’équipe de Corridor appalachien a pu confirmer l’installation d’une colonie stable de verges d’or du Canada, de trèfles rouges et d’ivraies annuelles. Ceux-ci avaient bien contrôlé la présence du nerprun dans les secteurs où leur croissance a été favorisée par un bon ensoleillement. Pour les arbustes, la majorité des individus étaient encore présents, mais leur croissance a été assez faible, voire négative, dans certains cas. En effet, l’abondance du cerf de Virginie dans ce secteur constitue une contrainte majeure à la croissance des espèces arbustives feuillues. Les arbustes plantés ont donc été broutés, ce qui a grandement affecté leur croissance. À noter qu’aucun dispositif de protection n’avait été installé lors de la plantation des arbustes. 

L’équipe de Corridor appalachien se réjouit que la stratégie adoptée et les mesures de conservation mises en œuvre aient contribué au contrôle du nerprun cathartique au profit des parulines à ailes dorées qui ont été entendues dans des parcelles environnantes et qui pourraient occuper l’habitat restauré. 
 


En savoir plus

Contactez l’auteur par courriel : victor.g.dumoulin@corridorappalachien.ca

 

 

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