Le bouleau jaune, ou merisier de son nom familier, est l’arbre emblématique du Québec, car c’est dans notre région du monde qu’il est le plus abondant. Pourtant, il est moins présent aujourd’hui qu’autrefois. Pour en augmenter sa distribution, nous vous proposons d’en apprendre plus sur cette espèce importante au Québec.
Écologie de l’espèce
Le bouleau jaune est le plus gros des bouleaux et un des plus gros feuillus du Québec. Il atteint une hauteur moyenne de 18 à 24 m (maximum de 30 m) et un diamètre moyen de 40 à 60 cm (maximum de 120 cm). Il vit en moyenne jusqu’à 150 ans. Lorsqu’il dépasse cet âge, sa croissance diminue et il devient plus susceptible à la carie et au chablis. Il possède néanmoins le potentiel de vivre jusqu’à 400 ans.
C’est un arbre semi-tolérant à l’ombre qu’on retrouve sur une variété de sites, mais il affectionne particulièrement les sols profonds, riches et fertiles. Il pousse rarement en peuplements purs, il cohabite plutôt avec l’érable à sucre et le hêtre à grandes feuilles dans la grande majorité des cas, mais aussi avec le frêne blanc, le tilleul d’Amérique, le sapin baumier, le pin blanc et l’épinette rouge.
Qui plus est, le bouleau jaune a un effet positif sur le sol. En se décomposant, sa litière réduit l’acidité de ce dernier et augmente la concentration de calcium disponible. Il rend aussi disponible aux autres arbres le bore, un élément important dans le développement de la résistance cellulaire chez les végétaux.
Identifier le bouleau jaune
On reconnaît facilement le bouleau jaune à son écorce. En bas âge, elle est mince, luisante et d’un brun rougeâtre. En vieillissant, elle devient jaune de plus en plus foncé (jusqu’à cuivré) et de fins lambeaux de papier vont se détacher et s’enrouler.
Cette espèce possède des feuilles ovales de 8 à 11 cm. Le pourtour est denté; une grosse dent est située vis-à-vis chaque nervure, séparée par 2 ou 3 petites dents. L’arbre produit des fleurs et des fruits que l’on nomme chatons.
Intérêt pour l’espèce
Le bouleau jaune offre un bois très intéressant. Celui-ci est dur et dense, il résiste bien au choc, il se travaille bien et il offre un beau fini. Il est souvent employé en ébénisterie dans la fabrication de plancher, de portes, de boiseries, de placages, de contre-plaqués, de cercueils, d’instruments de musique et plus encore. C’est un bois efficace pour le chauffage. On peut également l’utiliser pour son goût en infusant des feuilles et des ramilles pour en faire un thé.
La faune a elle aussi un intérêt pour cet arbre. Ses feuilles et ses ramilles sont une source de nourriture pour le lièvre, le chevreuil, l’orignal et la gélinotte. Les graines sont appréciées des oiseaux et des rongeurs. Puis, le porc-épic consomme son écorce. Le bouleau jaune procure aussi une source d’abri durable; il forme des cavités utilisables par une foule d’animaux et les chicots de son espèce se décomposent lentement.
Régénération de l’espèce
Pour qu’une espèce perdure à long terme dans une forêt, elle doit se reproduire et survivre de génération en génération. Pour comprendre les difficultés du bouleau jaune qui ont causé sa baisse de distribution, voyons certains facteurs importants à sa reproduction et à sa survie.
Production de semences
Les premières semences d’un bouleau jaune seront produites entre l’âge de 10 et 40 ans. Chaque arbre aura une grosse production tous les trois ans environ, soit environ 450 graines/m2
au sol. Les graines sont dispersées par le vent sur une distance maximale de 200 m et resteront viables pendant 2 à 5 ans.
Germination
La production de graines étant importante, c’est plutôt la germination et la survie ultérieure qui sont limitantes dans le cas du bouleau jaune. D’abord, seuls 20 à 53 % des graines vont germer en faisant sortir une petite plantule. Ensuite, le développement de cette plantule en semis (7 à 15 cm la première année) dépendra du lieu de chute de la graine que l’on appelle le lit de germination. Le bouleau jaune a des besoins très spécifiques en terme de lit de germination.
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La plantule, étant fragile au gel et à la sécheresse, doit être en constant contact avec un bon taux d’humidité, sans toutefois qu’il y ait accumulation d’eau. Le sol, quant à lui, devrait se drainer tout en ayant un apport constant en eau ou il devrait contenir beaucoup de matière organique pour conserver son humidité.
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Le jeune bouleau jaune n’a pas la force de traverser une épaisse couche de litière, comme la majorité des arbres issus de très petites graines. La litière, qui est une forme de matière organique retenant l’eau, n’est donc pas une bonne option.
Les deux types de lit de germination propices au bouleau jaune sont le bois mort au sol et un sol minéral exposé qui se maintient humide.
Le bois mort a un haut taux d’humidité et celui-ci est plutôt constant. Peu d’espèces colonisent ces milieux, il y a donc moins de compétition. De plus, le bois se réchauffe plus vite au printemps, ce qui augmente le succès de germination et allonge la saison de croissance.
Le bouleau jaune a particulièrement besoin d’azote et de phosphore au cours de son développement. Le sol minéral en contient généralement une quantité suffisante. Le bois mort, par contre, en est moins riche. Néanmoins, certaines espèces en accumulent plus. C’est le cas des conifères, en particulier la pruche occidentale. Ainsi, les jeunes bouleaux jaunes auront plus de chance de germer et de se développer avec succès sur des troncs versés ou des souches de pruche ou de conifères en général. Ce sera d’autant plus vrai sur du bois mort ayant un stade avancé de décomposition, car ce type de substrat libère davantage d’éléments nutritifs.
La germination ne dépend pas de la lumière, même s’il s’agit d’une espèce semi-tolérante. Le succès de régénération de l’espèce dépend essentiellement de la présence de semenciers et de la disponibilité des lits de germination. En favorisant un grand nombre de sites potentiels pour la germination, on augmente les chances que des semis se trouvent au bon endroit.
Pourquoi la pruche?
Poussant sur du bois mort, le bouleau jaune doit y trouver les ressources nécessaires à sa germination, mais aussi à sa croissance. De plus, le tronc ou la souche doit demeurer solide suffisamment longtemps pour que le jeune arbre s’enracine solidement. Le substrat doit donc se décomposer lentement. La pruche est tout indiquée pour répondre à ces besoins.
En forêt non aménagée, on retrouve en général 24 fois plus de semis de bouleau jaune sur le bois mort que sur le sol minéral. Ce bois mort est généralement recouvert de mousse, signe de la présence d’humidité et de l’avancement de la décomposition. Pour ce qui est du sol minéral, les semis sont souvent associés aux sentiers de débardage, la machinerie brasse légèrement le sol et dégage la couche minérale. Il faut néanmoins garder à l’esprit que la localisation de cette régénération (dans le chemin ou en bordure de celui-ci) la rend vulnérable à des bris ou à un abattage futur dans l’optique d’aménagements périodiques de la forêt.
Le bouleau jaune ne va pas germer exclusivement sur le bois mort et le sol minéral. Certaines plantules vont croître sur une couche de litière. Comme ces derniers sont fragiles aux variations environnementales et que les racines vont prendre un bon moment à traverser la litière, un grand nombre de plants vont mourir de gel ou de sécheresse.
Croissance et survie
Une fois établie, la régénération doit survivre et se développer. Pour ce faire, le plant doit combler ses besoins en eau, en éléments nutritifs et en lumière. La plus grande probabilité de survie du bouleau jaune est associée à un pourcentage de lumière au sol situé entre 45 et 50 %. Il est capable de supporter un ombrage plus important pendant quelques années, mais la lumière devra impérativement augmenter pour que l’arbre se développe. Le cas échéant, le plant mourra. En comparaison, les espèces tolérantes à l’ombre peuvent supporter plusieurs décennies de suppression.
Le nombre d’années d’ombrage supporté par le bouleau n’est pas clairement défini. Selon une étude réalisée dans le sud-ouest du Québec, il dépendrait de l’apport en éléments nutritifs. Comme les semis de bouleau jaune sur le bois mort étaient généralement plus petits et plus branchus, tout en possédant davantage de racines fines, que ceux sur sol minéral, on suppose que les premiers ont une meilleure capacité à intercepter la lumière en sous-étage. De plus, comme les jeunes bouleaux jaunes sur sol minéral démontrent des déficiences en nutriments et pas ceux sur bois mort, on suppose que le temps de résistance à suppression est supérieur pour les semis sur bois mort.
La présence d’un adulte en forêt signifie qu’il y a eu une ouverture dans le couvert suffisamment importante pour assurer une bonne luminosité pendant la croissance de l’arbre. Un bouleau jaune atteindra en moyenne 5 à 7 m en 10 ans puis sa croissance atteindra en moyenne 70 cm à 1 m par année ensuite. En terme de diamètre, on peut espérer une croissance de 1,74 à 1,91 mm/an en forêt non aménagée et de 2 à 5,8 mm/an en forêt aménagée.
Le bouleau jaune est un arbre qui a tendance à fourcher ou a devenir branchu. Au stade semis (0 à 1,5 m), il est sensible à la compétition. Par contre, au stade fourré (0,5 à 3 m), gaulis (3 à 6 m) et perchis (plus de 6 m, tige rigide inférieure à 20 cm de diamètre), la compétition favorise l’élongation et l’élagage naturel.
Aménagement
Voici quelques conseils pour favoriser le bouleau jaune :
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Conserver des semenciers;
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Conserver du bois mort au sol en priorisant la pruche et les autres conifères;
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Créer des trouées de taille moyenne (100 à 400 m2) — les trouées des forêts jardinées sont petites et éphémères en comparaison aux besoins du bouleau;
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Scarifier lors d’une plantation pour détruire la régénération préétablie et créer un lit de germination approprié;
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Éclaircir régulièrement les jeunes peuplements pour augmenter la croissance, mais sans dépasser 30 % pour ne pas favoriser le développement de branches adventives et réduire la qualité future des arbres et pour ne pas augmenter les stress environnementaux, car les bouleaux jaunes sont fragiles aux insolations et à l’augmentation de la température du sol;
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S’assurer que le couvert se referme en 5 ou 6 ans pour que le bouleau s’élague naturellement, ce qui réduira les besoins d’intervention.
Verglas
Le verglas est une perturbation importante dans le sud du Québec. La sensibilité d’un arbre au verglas dépend de différents facteurs : hauteur, diamètre, forme, largeur des cernes, densité du peuplement, etc.
Le bouleau jaune est classé dans la majorité des livres comme une espèce résistante au verglas. Ces sources sont généralement basées sur des références datant des années 60 et 90. Toutefois, une étude a été réalisée en Estrie sur le verglas de 1998 dans une forêt constituée de 55 % de bouleau jaune. Les résultats ont démontré que l’espèce a subi plus de dommage que l’érable à sucre et le frêne d’Amérique.
Le boisé testé contenait 116 m3/ha de bois au total dont 53 m3/ha de bouleau jaune. Au total, 36 % du volume des bouleaux a été perdu suite au verglas et 31 % d’eux avaient des dommages moyens. De plus, les dommages étaient distribués à toutes les classes d’âge.
Selon cette étude, on suppose que de fortes éclaircies réduiraient la densité du peuplement et par le fait même, l’effet du massif et de la stabilité des arbres, rendant ces derniers plus susceptibles aux bris lors d’un verglas.
En savoir plus
Consultez la thèse de Jean-Bastien Lambert sur le régénération du bouleau jaune