Croissance d'arbres agricoles et haies brise-vent riveraines


En Montérégie, les haies brise-vent riveraines et les haies brise-vent sont les deux principaux systèmes agroforestiers aménagés. Il existe peu de travaux qui documentent les croissances d’arbres dans ce type d’aménagement en grandes cultures (maïs, soya). Ces haies sont composées d’une seule rangée d’arbres le long d’un cours d’eau redressé. Elles sont souvent longues d’un kilomètre et parfois isolées au travers de grandes parcelles. Elles offrent des conditions de croissances définies par plusieurs paramètres agricoles qui diffèrent au milieu forestier.  


 

En novembre 2017, des travaux de mesures de hauteur et de diamètre de 224 arbres ont été réalisés par la firme de consultants en agroforesterie riveraine CLG AGFOR sur cinq sites de haies brise-vent riveraines (HBVR). Ces sites étaient situés dans un réseau de 33 kilomètres de plantations de 11 700 feuillus et résineux dans la région de Bedford. Le choix des sites et les mesures prises constituaient un dispositif sommaire pour l’acquisition des connaissances.

L’objectif du projet était d’évaluer les tendances de croissances de 64 chênes rouges (Quercus rubra), 76 chênes à gros fruits (Quercus macrocarpa) et de 84 mélèzes hybrides (mélèze du Japon Larix kaempferi Lamb. et mélèze d’Europe Larix decidua) de 13 ou 14 ans en haies brise-vent riveraines. Les résultats permettront de guider les professionnels pour le choix de ces trois espèces d’arbres souvent utilisés pour planifier une haie.

 

Dispositif des plantations

Les cinq sites de HBVR étaient situés sur des sols argileux à loam sableux au milieu de parcelles totalisant plus d’un kilomètre de chaque côté en grandes cultures (maïs, soya, prairies). Ils étaient tous en bordure de cours d’eau redressés avec un drain souterrain à un mètre de profondeur. Les arbres ont été plantés sur du paillis de plastique déroulé et débroussaillé. En 13 ou 14 ans, les arbres ont eu cinq à sept tailles d’élagages et de formation étant donné qu’ils ont poussé en pleine lumière. Les haies échantillonnées avaient une longueur de 525 à 3 200 mètres. La hauteur totale a été mesurée avec une perche graduée au centimètre. Le diamètre a été mesuré au compas forestier à une hauteur de poitrine (DHP). 

 

 

CLG AGFOR a réalisé une première série de mesures de croissance de la hauteur et du DHP de ces arbres en novembre 2011, alors qu’ils étaient âgés de sept ou huit ans. Ces données ont été jumelées avec celles de novembre 2017 afin de comparer la deuxième période de six ans de croissance. 

La figure 1 illustre les valeurs moyennes de croissance en hauteur des trois espèces et la fugure 2 présente celles du DHP. Les données des chênes à gros fruits de la HBVR plantés en 2005 sur le cinquième site ont été intégrées à celles des chênes âgés de 14 ans. Même avec une différence d’un an et seulement 41 arbres de 14 ans mesurés sur deux sites, il est possible d’observer la tendance de croissance de cette espèce.

 

Résultats

Hauteurs 

Le chêne à gros fruits possède la croissance la plus lente avec des hauteurs moyennes de près de 5,25 m en 14 ans. Le chêne rouge a une croissance moyenne en hauteur supérieure à 6 m, sauf pour le deuxième site où la croissance a été plus lente de 2012 à 2017 pour atteindre 5 m (figure 1). Les deux espèces de chênes ont des croissances et des écarts-types semblables. Le chêne rouge a une plus grande variabilité de croissance moyenne entre les sites. Comme il est prévu par sa physiologie et son croisement génétique, le mélèze hybride a été beaucoup plus performant (hauteur et diamètre). Il présente des hauteurs moyennes plus fluctuantes à 6,8 m et à 9,7 m, soit à près de 3 m de différence.

Diamètre hauteur poitrine (DHP)

La figure 2 illustre une plus grande variabilité des moyennes de DHP entre les espèces, mais aussi entre les individus d’un même site (illustré par de plus grands écarts-types). De plus, cette variation s’accentue avec les années si l’on compare les DHP à 7 ans et 14 ans. Sur une période de 14 ans, la production de bois des chênes indiquée par le DHP est relativement plus élevée dans les six dernières années. Sans inclure le cinquième site, les chênes à gros fruits ont dans ce cas-ci une moyenne de 8,7 cm de DHP, ce qui est légèrement supérieur aux chênes rouges (8,1 cm). Les DHP moyens indiquent que dès l’âge de 8 ans, le mélèze hybride produit déjà rapidement du bois et que sa croissance en DHP est régulière jusqu’à 14 ans. Les moyennes de DHP, comme les hauteurs de mélèzes, sont beaucoup plus variables entre les sites que les chênes. Le quatrième site (23,3 cm de DHP) produit donc presque 1,6 fois plus vite que le deuxième site (14,5 cm de DHP).

 

 

Influences des conditions des sites en grandes cultures

Premièrement, les données de hauteurs et de DHP représentent relativement bien les croissances connues et associées aux trois espèces d’arbres. Pour les sites de HBVR en grandes cultures, il est difficile d’expliquer avec ces données de base les variations des hauteurs et des diamètres obtenus. Par rapport au milieu forestier et à une plantation dans une friche, la haie brise-vent riveraine à une rangée comprend plus de paramètres qui influencent sa croissance. La compilation en détails des travaux agricoles (travail de sol, rotation des cultures, épandage de fumiers, d’engrais, etc.) et les distances exactes des drains avec la HBVR permettraient d’expliquer en partie les résultats. L’effet du microsite est toujours à considérer (baissière, zone très compactée, etc.).

Voici plusieurs paramètres qui font varier les croissances des trois espèces et de celles qui leur sont apparentées :

 


Discussion

Ces travaux avaient pour but de dégager les grandes tendances de croissances, mais avec un nombre d’échantillons restreint. Les données obtenues nous informent que le mélèze hybride a une croissance assez rapide dans des conditions de grandes cultures. Par rapport à des milieux plus prévisibles comme la forêt ou les plantations en champ ou en friche, avec des variations importantes, les croissances d’arbres en HBVR à une rangée sont plus difficiles à prédire.  

Il n’existe aucune table de référence de croissance d’arbres pour les haies brise-vent, encore moins pour celles longeant un cours d’eau redressé le long des terres en grandes cultures avec un système de drains souterrains. Depuis les années 1980, des travaux ont été réalisés pour valoriser la production d’arbres feuillus de valeur en plantations sur des terres agricoles abandonnées. 

Une connaissance des taux de croissance des principales espèces d’arbres utilisées en grandes cultures permettrait de planifier l’année ou la période où les différents bénéfices agroenvironnementaux, comme l’effet brise-vent, seront effectifs. Par exemple, avec un effet brise-vent évalué à 11 fois la hauteur de l’arbre au champ protégé des vents dominants, les mélèzes hybrides de 10 m de hauteur créent un effet brise-vent jusqu’à 110 m après seulement 14 ans, ce qui, pour une parcelle d’un kilomètre de long, donne une augmentation du rendement de 10 hectares de cultures pendant des étés très secs. Ces données d’acquisition de connaissances visent à guider les conseils du professionnel lors de la planification et du choix des espèces pour un aménagement de haie brise-vent riveraines.

Pour un potentiel de production de bois de qualité, un budget est à prévoir pour plusieurs tailles régulières pour arriver à des billes de bonne qualité. La récolte d’espèce à bonne croissance comme le mélèze hybride offre une production de bois ici estimée sommairement à 1,5 fois plus rapide qu’en forêt. Dans le sud du Québec, les nombreuses haies brise-vent plantées depuis 20 ans sont appelées à être éclaircies pour offrir de bonnes conditions de croissance à long terme. Il faut considérer cette production de bois plus en terme de bois disponible à utiliser qu’en terme de bénéfices financiers. Avec leur longévité de 150 à 250 ans et la dureté de leur bois, les chênes à gros fruits et les chênes rouges sont des espèces de choix pour être laissées dans les HBVR. Elles sont appelées à être récoltées sur une base ponctuelle dans une haie en fonction de la qualité de l’arbre formé avec les tailles.  

En mars 2017, avant les mesures de novembre, les premières coupes ont eu lieu sur le premier site dans la HBVR sur des mélèzes hybrides de 13 ans ayant des DHP de 24 à 29 cm. Ces billes ont été sciées et la qualité du bois était acceptable. Ces coupes éclaircissent la haie et offrent par la suite de meilleures conditions de croissances pour les arbres voisins. Après une phase de plus de 25 ans de plantations de haies d’arbres en grandes cultures, voici une période de suivi de croissances et le début de coupes d’éclaircies. Ce bois agroforestier porte une histoire ayant de multiples services écologiques en bordure de champs et de cours d’eau.

 

 

Remerciements

Le rapport de ces travaux a été réalisé pour l’Organisme de bassin versant de la baie Missisquoi dans le cadre du projet Atelier en agroforesterie riveraine de Missisquoi financé par le volet 4 — Appui au développement et au transfert de connaissances en agroenvironnement — Activités d’information et de sensibilisation du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). La première série de mesure en 2011 avait été financée par Agriculture et Agroalimentaire Canada, direction générale des services agroenvironnementaux-agrosystèmes durables et des terres agricoles. 

Merci à Alain Cogliastro, Institut de Recherche en Biologie Végétale (IRBV) et Cécile Tartera, groupe ProConseil pour la révision du rapport.

 

 


En savoir plus

Contactez l’auteur par courriel : c2lussier@gmail.com

Consultez la version complète de l’article à l’adresse suivante : www.clgagfor.com

 

 

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