Les cours d’eau sont des milieux sensibles. Leur qualité dépend en grande partie de l’environnement qui les entoure, mais aussi des activités qui s’y déroulent. La circulation de véhicules légers ou lourds pourrait grandement affecter un cours d’eau et conséquemment le boisé environnant. Comment concevoir une traverse adéquate qui protégera le cours d’eau, augmentera la durabilité de la structure et réduira les coûts globaux à long terme?
Cours d’eau et circulation
Lorsqu’on parle de cours d’eau, on fait référence à toute masse d’eau qui s’écoule dans un lit naturel. Cela peut être régulier, on parle alors de cours d’eau permanents. L’eau peut aussi s’écouler de façon intermittente dans l’année. Dans un cas comme dans l’autre, il est important de protéger les rives et le cours d’eau, car ils abritent une grande diversité faunique et floristique. De plus, les cours d’eau envoient plus loin les surplus d’eau, ce qui favorise un meilleur drainage des forêts. Par exemple, un ponceau inadéquat ou obstrué pourrait créer un milieu humide sur votre propriété. Il en serait de même pour une accumulation de débris dans le cours d’eau.
Tout passage dans un cours crée des perturbations. Pensons aux sédiments qui sont brassés par de simples pas dans le lit d’un ruisseau. Ces sédiments réduisent la disponibilité de la nourriture et occasionnent des problèmes respiratoires chez les poissons. Il est donc préférable d’éviter de traverser les cours d’eau. Par contre, si vous prévoyez créer un chemin ou un sentier qui devra traverser un cours d’eau, que ce soit pour des vélos, des VTT ou de la machinerie lourde, il faut installer une traverse. Il existe une multitude de traverses, des permanentes ou des temporaires, des simplistes comme des modèles plus complexes. L’article qui suit vous présentera les traverses temporaires et vous guidera dans votre projet. Nous recommandons néanmoins de toujours consulter votre conseiller forestier ou votre groupement forestier avant d’entreprendre ce genre de travaux. Dans la prochaine édition, nous verrons les traverses permanentes.
Choisir l’emplacement idéal
Le choix du lieu est primordial. Cela réduira vos frais de construction tout comme les risques pour l’environnement. Voici quelques règles de base à respecter :
- Sélectionner une zone du cours d’eau rectiligne et étroite où vous pourrez traverser perpendiculairement au cours d’eau;
- Prioriser des rives au sol sec et stable, et éviter les milieux humides;
- Éviter les pentes fortes;
- Définir un trajet de sentier qui minimisera le nombre de cours d’eau à traverser.
Choisir le type de structure
Pour faire un choix réfléchi, il faut au préalable bien définir ses besoins : largueur, capacité portante, durée, fréquence et période d’utilisation.
Sachez qu’il existe deux types de structures : temporaires et permanentes. Toutes deux peuvent supporter le poids de machineries lourdes. Les structures temporaires sont à préconiser si vous prévoyez utiliser cet accès sur une courte période uniquement. Les coûts sont avantageux. De plus, en retirant les traverses ensuite, aucun entretien n’est nécessaire et il n’y a pas de risque d’érosion ultérieur.
Les structures temporaires sont essentiellement des ponts de bois, de glace ou des arceaux recouverts de billes de bois. La traverse choisie doit répondre au besoin du cours d’eau en terme de largeur, de débit et de sensibilité du site.
Largeur
La largeur doit permettre l’écoulement des eaux même en période de crue sans faire rétrécir le cours d’eau.
Débit
En présence d’un fort débit, il faut prévoir une structure plus grande pour éviter les bris s’il y a variation du niveau d’eau.
Sensibilité
Les traverses temporaires sont de bonnes options en zone sensible, car ces structures n’ont pas de fond et ne perturbent pas le lit du ruisseau.
Quand installer la structure?
Pour une structure temporaire, la période idéale est l’hiver. La neige et le sol gelé limitent les impacts sur le milieu riverain. Si ce n’est pas possible, le meilleur moment est lorsque le niveau d’eau est à son minimum, soit généralement entre le 15 juin et le 15 septembre. C’est alors que les risques d’érosion et de dépôt de sédiments sont faibles. De plus, il ne s’agit pas de la période de reproduction des poissons.
Préparer l’approche d’une structure temporaire
Il faut protéger au maximum le cours d’eau d’apports en sédiments. Pour ce faire, le tracé du sentier devrait traverser le cours d’eau perpendiculairement pour qu’un minimum de rive soit touché. De plus, si votre terrain est en pente, il est conseillé de faire passer le sentier par une légère dépression puis le faire remonter ensuite, et ce, à une distance minimale de 20 m (66 pieds) de la future traverse. Ainsi, l’eau s’écoulera dans le boisé avant d’arriver au cours d’eau.
Ensuite, il faut porter une attention particulière à la bande riveraine (20 m de part et d’autre du rivage). Normalement, il n’est pas permis de récolter plus de 40 ou 50 % (selon la municipalité) dans cette bande pour conserver son effet filtrant. Dans le cas d’un sentier temporaire, la largeur de celui-ci devrait se limiter à 5 m (16 pieds). Il est recommandé d’installer des radiers sur la rive (pas dans le lit du cours d’eau). Les radiers vont prévenir l’envasement des rives et limiter l’enfoncement de la machinerie. Ces derniers doivent rester sur place après le retrait de la traverse temporaire.
Enfin, il est possible d’étendre de la paille sur le sol dans la bande riveraine. C’est un bon moyen de filtrer les eaux de ruissellement.
Traverses temporaires d’été
En été, l’on fabrique des traverses en bois. Celles-ci doivent être positionnées le plus haut possible pour que le pont n’entrave pas l’eau. Pour ce faire, le pont reposera sur deux appuis que l’on appelle culée. Un appui est formé d’une bille de bois de 15 à 25 cm (6 à 10 po) de diamètre positionné entre les radiers et la rive.
Pont pour le bois débusqué
Si vous tirez votre bois au sol avec une débusqueuse, des chevaux ou un treuil, il est préférable de fabriquer le tablier du pont avec des billots de bois positionnés parallèlement au chemin. Il est important d’utiliser des billes de diamètres variables (2 à 8 po) pour combler au maximum les ouvertures. De plus, il faut clouer les trois premières billes de chaque côté pour stabiliser le pont.
Pont pour porteur
Si vous transportez le bois sur une remorque ou un porteur, il est préférable d’orienter les billes dans le sens des radiers et des culées. Pour ce faire, il faudra installer deux billes de soutènement de 20 cm (8po), clouées aux culées. Positionnez et espacez-les de façon à ce que les roues circulent vis-à-vis elles. Puis fixez les billes du tablier sur ces soutènements.
Les deux premiers modèles présentés peuvent aussi servir de traverses permanentes. Dans ce cas, il faut utiliser des bois résistants à la pourriture, tels que des bois francs, de la pruche ou du mélèze. Le peuplier et le sapin n’offriront pas une résistance suffisante pour un usage à plus long terme.
Arceaux
Les arceaux sont une méthode rapide de fabriquer une traverse. La structure métallique est légère (transportable par une personne) et elle peut supporter 50 000 livres. On dépose l’arceau dans le cours d’eau de façon à ce que l’eau s’écoule entièrement sous la structure. Ensuite, on y fixe avec des chaînes une première rangée de billots. Puis, on empile des billots supplémentaires jusqu’à ce que l’accès soit aisé pour la machinerie. Les arceaux peuvent être utilisés pour des cours d’eau jusqu’à 1,5 m (5 pi) de largeur.
Rampes
Les rampes sont des structures temporaires déposées sur des culées (des billes de bois). Leur espacement doit correspondre à la distance entre les roues de l’équipement qui traversera. Les rampes ne peuvent être utilisées pour débusquer du bois, mais elles conviennent pour les tracteurs avec remorque ou les porteurs. Il n’est pas conseillé de concevoir des rampes de plus de 4 m (12 pi). Enfin, il existe 2 types de rampes : en bois ou en fer.
Rampes en bois
Les traverses portatives en bois sont composées de deux rampes, chacune faite de quatre 6 po par 6 po de bois (ou plus selon la machinerie), assemblés avec une tige filetée insérée dans le bois à chaque extrémité et fixé à l’aide d’écrous.
Rampes en fer
Le format des rampes en métal varie beaucoup selon l’usage. À titre d’exemple, deux rampes de 3 m (10 pi) devraient suffire à traverser un ruisseau de 1 m (3 pi).
Bien entreposées, les rampes de fer sont presque utilisables à l’infini. Par contre, elles sont difficiles à manipuler.
Traverses temporaires d’hiver
Les structures temporaires sont la seule option en saison hivernale. Elles sont par contre difficiles à maintenir dans le sud du Québec dû aux redoux.
Pont de glace simple
En hiver, il est possible de fabriquer facilement et rapidement un pont avec de la neige et quelques billes de bois. Il faut au préalable s’assurer d’une couche suffisante de glace dans le cours d’eau. Cette glace doit pouvoir supporter le poids de la neige qui sera ajoutée. Si la glace est trop mince, l’on peut retirer la neige au-dessus pour accélérer la formation de glace; deux nuits de glace exposée par temps froid suffisent. Ensuite, il faut installer des radiers sur la berge, puis ajouter une couche importante de neige et la compacter entre chaque ajout.
On peut arroser la neige pour qu’elle se transforme en glace, ce qui augmente la capacité portante. Le pont de glace simple est approprié pour les cours d’eau d’une largeur de 3 m et moins.
Pont de glace avec billes
Ce type de pont temporaire est comparable au modèle simple auquel on ajoute en surface des billes de bois à titre de remforcement. Cela permet de traverser de plus grands ruisseaux. Par contre, ce type de pont nécessite l’emploi de travailleurs spécialisés dû aux risques associés à ce genre de traverse.
Pont de glace avec tuyau
Un tuyau peut être ajouté entre la glace et la neige compactée d’un pont de glace simple. Le tuyau permettra l’écoulement de l’eau en cas de redoux. Il faut dans ce cas installer une membrane de géotextile d’une rive à l’autre sous la neige compactée, mais sur le tuyau.
On peut aussi ajouter des billes de bois en remplacement de la neige ou d’une partie de celle-ci. Dans ce cas, la membrane de géotextile doit se situer au-dessus de la glace et du tuyau, mais en dessous des billes et de la neige.
Ce type de pont est adapté à des cours d’eau d’une largeur de 2 m et moins.
Mesures de protection
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La neige utilisée pour fabriquer le pont doit être propre pour qu’au moment de la fonte, il n’y ait pas de déversement de sédiments ou de polluants dans le cours d’eau.
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Pour tous les types de ponts de glace, il faut s’assurer de retirer tout ce qui a été ajouté pour la fabrication de la structure à l’exception des radiers, des culées et de la neige, et ce, avant que la neige ne fonde, incluant, s’il y a lieu, les matériaux granulaires qui ont été ajoutés pour faciliter la circulation.
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La machinerie ne doit jamais circuler dans le ruisseau pendant l’installation de la traverse.
Remise en état des rives
Après les travaux forestiers, il faut retirer les traverses temporaires sans enlever les radiers, les culées et la paille; leur retrait perturberait les rives. Il est suggéré d’ensemencer les rives avec un mélange de graines d’herbacées pour revégétaliser rapidement les berges (sans utiliser de fertilisants).
S’il y a un problème de ruissellement, un canal peut être creusé perpendiculairement au chemin, à au moins 20 m du ruisseau pour dévier l’eau vers le boisé.
En savoir plus
Consultez des fiches d’informations disponibles au : https://www.afsq.org/fr/types-de-travaux-forestiers
ou consultez le guide technique no15 - Traverse de cours d’eau de la Fondation de la faune
ou consultez votre conseiller forestier ou votre groupement forestier. Pour voir la liste de ces professionnels œuvrant dans le sud du Québec, visitez le https://www.afsq.org/fr/intervenants