L’augmentation des températures et des épisodes de sécheresse associée aux changements climatiques suscite de nombreux questionnements sur la capacité d’adaptation des forêts boréales et tempérées. Pour une espèce forestière, tel le pin blanc, est-ce que les populations situées plus au sud, mieux adaptées à la chaleur, sont capables de survivre aux hivers du nord? Comment les populations du nord réagissent-elles à l’augmentation des températures et à la sécheresse? Pour certaines espèces, devrions-nous envisager la migration assistée des populations situées plus au sud vers le nord? C’est dans ce contexte qu’une étude a été menée par des chercheurs du Service canadien des forêts sur le site de l’arboretum Serge Légaré de Valcartier.
Un dispositif expérimental précieux
L’arboretum Serge Légaré abrite des arbres issus de semences provenant d’une quarantaine de populations de pins blancs de différentes régions du Canada et des États-Unis. Depuis leur ensemencement en 1989, leur taille et leur diamètre ont été mesurés régulièrement afin d’évaluer leur performance en croissance. Plus récemment, une analyse précise des cernes de croissance annuelle de chacun de ces arbres a été faite et mise en lien avec des variables climatiques (comme la température, les précipitations totales annuelles ou les indices d’humidité du sol) enregistrées depuis le début des années 1990 sur le site de l’arboretum. Cette approche a permis de comparer et de quantifier la sensibilité des populations de pin blanc à des contraintes climatiques.
Les cernes annuels de croissance sont en quelque sorte des archives biologiques qui enregistrent les réactions de l’arbre face aux fluctuations intra et interannuelles du climat. Par exemple, le mois d’octobre 2002, particulièrement froid à Valcartier, a eu un impact négatif l’année suivante sur la croissance des pins blancs provenant du sud, vraisemblablement en raison des dommages cellulaires causés par le gel.
L’étude du génome : la clef pour comprendre
Nous savons déjà que beaucoup d’espèces animales et végétales progressent vers le nord à mesure que le climat se réchauffe. Mais quels sont les facteurs génétiques qui prédisposent à l’adaptation? L’utilisation d’outils et de méthodes novatrices pour comprendre la sensibilité des espèces et leur capacité d’adaptation au climat était nécessaire. Par l’analyse des cernes annuels et de leur variation intra et interannuelle, la dendroécologie nous informe des conditions exercées sur les arbres. La dendroécologie donne ainsi accès à de nouveaux caractères mesurables qui permettent de comparer les arbres entre eux et de faire des liens entre leur capacité d’adaptation et leur génome.
Les résultats
Les résultats démontrent que la croissance du pin blanc est affectée négativement par de basses températures printanières et automnales, ainsi que par des étés chauds et secs. Dans l’ensemble, les populations provenant du sud ont davantage résisté aux épisodes de sécheresse alors que celles provenant du nord ont été moins tolérantes. Les populations provenant de l’extrême sud (les Carolines) n’ont pas survécu, mais ce sont les populations de l’aire centrale de distribution de l’espèce, comme celles de Pennsylvanie, qui ont été les plus « performantes » au site de Valcartier, et non celles en provenance du Québec. La différence n’est pas énorme, mais suffisante pour indiquer que ces arbres du sud sont non seulement bien adaptés à des températures plus élevées, mais aussi aux conditions climatiques du Québec.
Par ailleurs, bien que les populations les plus nordiques soient plus résistantes au froid, elles sont aussi plus vulnérables à des températures estivales élevées. Cela envoie le signal que dans un climat plus chaud et plus sec les arbres locaux deviendront plus vulnérables alors que les populations situées plus au sud seront mieux adaptées.
Toutes les projections prévoient un impact significatif des changements climatiques sur l’habitat actuel du pin blanc. Selon la majorité des scénarios, les conditions climatiques requises pour maintenir cette espèce dans son aire centrale de distribution ne seront plus remplies d’ici 2090.
Conclusion
La détermination précise des périodes de l’année où les arbres sont les plus vulnérables aux facteurs biotiques et abiotiques est essentielle pour déchiffrer l’architecture génétique responsable de la capacité d’adaptation et de la résilience d’une espèce donnée. En analysant la réponse des arbres aux variations climatiques passées, la méthode de mesure des cernes annuels en corrélation avec les données météo offre un grand potentiel pour comprendre l’adaptation à une échelle locale et plus globalement pour examiner l’adaptation des forêts aux changements environnementaux.
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Communiquez avec Natalie Isabel : Nathalie.isabel@canada.ca