Articles printemps 2024

Quelle est la contribution de la cohorte des gaules à la surface terrière marchande des bétulaies jaunes résineuses?

Dans les peuplements mixtes tempérés, les coupes partielles sont utilisées pour récolter périodiquement un volume de bois de qualité, tout en contribuant à l’établissement et à la croissance de la régénération d’essences désirées. L’atteinte de ces objectifs nécessite que la régénération préétablie contribue à remplacer le volume marchand prélevé. Ce sont les gaules, soit les tiges dont le diamètre à hauteur de poitrine (DHP) est de 1,1 à 9,0 cm, qui sont les plus susceptibles de remplir cette fonction à court et à moyen terme. Cependant, les méthodes quantitatives pour prévoir l’accroissement de leur DHP et leur contribution à la surface terrière marchande sont encore très limitées. Nous avons mis au point un modèle pour répondre à ce besoin.

Des peuplements typiques de la forêt mixte du Québec

Les bétulaies jaunes résineuses (BjR) sont des peuplements typiques de la forêt tempérée du Québec. Ces peuplements se caractérisent par la présence importante d’essences feuillues de grande valeur (bouleau jaune et érable à sucre) ainsi que par une composante résineuse de sapin baumier, d’épinette blanche et d’épinette rouge, une essence en raréfaction. Depuis quelques décennies, ces peuplements sont majoritairement récoltés au moyen de coupes partielles réalisées à intervalle plus ou moins régulier. Afin de maintenir un intervalle de coupe permettant de récolter périodiquement un volume de bois en quantité et en qualité suffisante, la régénération préétablie en essences désirées doit pouvoir se développer et atteindre des dimensions commerciales. À ce jour, les connaissances permettant d’estimer la production en surface terrière marchande issue de la croissance des semis et des gaules sont très limitées. Nous avons estimé l’accroissement en diamètre et la contribution des gaules des principales essences commerciales à la surface terrière marchande des BjR à l’aide d’un modèle permettant de prévoir l’évolution du diamètre et le taux de mortalité des gaules, et ce, en présence ou non de coupe partielle.

 

 

Des données uniques et rares pour étalonner le modèle

De 1998 à 2003, différentes intensités de coupes partielles (prélèvement entre 35 % et 60 % de la surface terrière) ont été réalisées dans trois dispositifs expérimentaux installés dans des peuplements de composition BjR des régions de Chaudière-Appalaches et de la Capitale-Nationale. Le suivi quinquennal individuel de la croissance des gaules (6 008 arbres) et des arbres marchands (2 707 arbres) dans 48 placettes de grande dimension (900 à 1 600 m2) sur une période allant de 15 à 20 ans a permis la conception d’un modèle qui prédit la croissance et le risque de mortalité des gaules. 

Le modèle prend en compte    l’essence,    le nombre de gaules,    leur diamètre et    le temps écoulé depuis la coupe partielle pour effectuer les prévisions (figure 1). Il a été utilisé pour prévoir la contribution des gaules à la surface terrière marchande du peuplement en projetant la dernière mesure de chacune des tiges pour chaque placette jusqu’à 40 ans après la coupe. Le modèle s’adapte donc au nombre de gaules présentes après la coupe. Nous avons également utilisé le modèle pour comparer l’évolution de la distribution diamétrale des gaules des placettes témoins à celles des placettes coupées partiellement sur une période s’étendant de l’année après traitement jusqu’à 40 ans après la coupe. Toutefois, le modèle ne permet pas de tenir compte du recrutement de nouvelles gaules provenant de la strate de semis. 

 

 

Une évolution des gaules des peuplements traités vers des dimensions commerciales

Nous avons constaté que la surface terrière marchande issue des gaules augmente avec le temps (figure 2). En moyenne, celle des placettes traitées par coupe partielle (4,1 m2/ha en moyenne, 40 ans après la coupe) est supérieure à celle des placettes témoins (2,6 m2/ha, après 40 ans). Cependant, la variation entourant les prévisions des différentes placettes coupées partiellement était très importante (de 1,4 m2/ha à 8,4 m2/ha, 40 ans après la coupe). Cette variation autour de la moyenne pouvait principalement s’expliquer par une grande variation du nombre de gaules (de 250 à 910 gaules/ha) présentes après la coupe. Les gaules localisées dans les coupes partielles, lorsqu’elles survivent aux opérations de récolte, profitent de conditions de croissance améliorées. Elles peuvent ainsi contribuer de manière plus importante à la surface terrière marchande. D’ailleurs, notre étude a démontré que la distribution diamétrale des arbres issus de la cohorte de gaules des placettes coupées partiellement évolue plus rapidement vers des dimensions commerciales que celle des gaules des placettes témoins (figure 3). De plus, les tiges de 10 cm sont les plus fréquentes dans la coupe partielle, tandis que celles de 6 cm sont les plus fréquentes dans le témoin.

 

 

Le nombre de gaules nécessaires pour produire une unité de surface terrière marchande

Le modèle peut servir à prévoir le nombre de gaules nécessaires pour produire une unité de surface terrière marchande (figure 4). Nous avons constaté que le nombre de gaules d’essences résineuses doit être plus élevé que le nombre de gaules d’essences feuillues pour produire la même quantité de surface terrière marchande. Ainsi, nous avons estimé que 5 392 gaules d’épinette rouge de 2 cm sont nécessaires pour produire 1 m2 de cette essence de dimension marchande 20 ans après la coupe (tableau 1). Cependant, ce nombre diminue si on attend 40 ans après la coupe, seulement 666 gaules de 2 cm sont alors nécessaires. Quant au bouleau jaune, 968 gaules de 2 cm sont nécessaires pour produire 1 m2, 20 ans après coupe, alors que seulement 252 gaules de 2 cm sont requises pour produire la même surface terrière après 40 ans. Cette situation s’explique par le fait que les gaules d’essences feuillues meurent en moins grande proportion que celles des essences résineuses et qu’elles croissent aussi plus rapidement après la coupe partielle. 

 

 

De manière générale, plus les gaules sont de fortes dimensions, plus le nombre de gaules nécessaires pour produire une unité de surface terrière est faible. Approximativement, pour produire une unité de surface terrière, il faut :

  • 4 fois plus de gaules de 2 cm que de 4 cm, 

  • 10 fois plus de gaules de 2 cm que de 6 cm, 

  • 15 à 20 fois plus de gaules de 2 cm que de 8 cm.

De plus, plus la période écoulée depuis la coupe partielle est longue, moins le nombre de gaules nécessaires pour produire une unité de surface terrière est grand. Concernant les tiges de 2 cm, on observe une diminution marquée du nombre de gaules nécessaires entre 20 et 25 ans après la coupe : une indication qu’une gaule de 2 cm prend généralement plus de 20 ans pour devenir marchande. 

 

L’importance de protéger les gaules lors des interventions de récolte

Les gaules des placettes traitées par coupe partielle contribuent généralement de manière plus importante à l’accroissement en surface terrière marchande que celles des placettes témoins. Ces résultats sont encourageants puisqu’ils montrent que ces arbres de petite taille bénéficient aussi de l’effet d’éclaircie après coupe partielle pour accélérer leur développement. 

Bien qu’issues d’un nombre limité de sites, les prévisions du modèle peuvent être utilisées pour estimer le nombre de gaules nécessaires après une coupe partielle pour la production d’une valeur cible de surface terrière marchande dans un intervalle de temps donné pour des BjR de qualité. Par exemple, si l’on désire obtenir 2 m2 de surface terrière marchande de bouleau jaune 30 ans après la coupe, 790 gaules de 2 cm ou 324 gaules de 4 cm seraient nécessaires. Toutefois, le modèle n’est pas étalonné pour les peuplements dégradés. Ces résultats montrent également l’importance de protéger les gaules de fortes dimensions lors des opérations de récolte, puisque leur contribution à la surface terrière marchande est beaucoup plus importante que celle des gaules de petites dimensions. 

 

 


En savoir plus

Consultez la version complète de l’article à l’adresse suivante : 
https://doi.org/10.1139/cjfr-2022-0073

 

 

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