Par notre projet de conservation volontaire des milieux humides du bassin versant de la rivière Trois-Saumons, dans la MRC de L’Islet, nous avons eu la chance d’accéder à des propriétés magnifiques où la biodiversité abonde. Se promener dans les milieux humides est une expérience multisensorielle : l’iris versicolore, la sarracénie pourpre et les platanthères teintent le décor avec leurs couleurs contrastantes, le thé du Labrador et le myrique baumier embaument l’air ambiant et les oiseaux chantent sans relâche. Nous comprenons l’amour des propriétaires pour leur terrain! Notre rôle est de cultiver et d’alimenter ce sentiment pour perpétuer la santé et la conservation de nos milieux naturels.
Qu’est-ce que la conservation volontaire?
La conservation volontaire engage un propriétaire à préserver les richesses naturelles de son terrain. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une démarche volontaire de la part d’un propriétaire qui souhaite poser des actions en faveur de la biodiversité. Plusieurs options de conservation, morales et légales, existent : déclaration d’intention, servitude de conservation, don de terrain, réserve naturelle, etc. Selon l’option de conservation choisie, des avantages fiscaux peuvent être accordés.
Dans le cadre de notre projet de conservation volontaire des milieux humides du bassin versant de la rivière Trois-Saumons, on parle d’un engagement moral qui n’a aucune portée légale de la part des propriétaires. La signature d’une déclaration d’intention repose donc sur l’honneur de l’individu. Cette option de conservation est avant tout un moyen de sensibilisation. Pour engager les citoyens dans un processus de conservation, il faut d’abord leur fournir les connaissances et les outils nécessaires.
Par exemple, les participants du projet pouvaient nous accompagner lors des inventaires sur le terrain pour apprendre à identifier la faune et la flore de leurs milieux naturels. Ensuite, nous avons remis à chaque propriétaire un cahier personnalisé présentant un portrait de leur propriété avec les données biologiques recueillies et des recommandations de protection, de conservation, d’aménagement et de restauration.
Notre équipe effectuera un suivi dans les 3 à 5 années suivant la signature de la déclaration d’intention pour s’assurer du respect des recommandations émises, accompagner les propriétaires selon leurs besoins et les orienter vers des options de conservation plus formelles, s’ils le désirent.
Apprivoiser les milieux humides
Les milieux humides se distinguent par leur hydrologie, leur végétation adaptée aux milieux humides ou aquatiques (végétation hygrophile) et leur sol saturé en eau de façon permanente ou périodique (sol hydromorphe). La caractérisation des milieux humides se réalise donc par des tests de sol, l’identification des plantes et de leur abondance ainsi que l’évaluation d’indicateurs hydrologiques, par exemple une nappe phréatique élevée. Lors des inventaires dans le bassin versant de la rivière Trois-Saumons, nous avons recensé différents milieux humides, certains boisés et d’autres dominés par les herbacées.
Les quatre grands types de milieux humides du Québec
Conserver les milieux humides, à quel prix?
Les écosystèmes rendent gratuitement des bénéfices à l’humain sans qu’il ait à agir pour les obtenir. C’est ce qu’on appelle les services écosystémiques. En protégeant les milieux naturels, on assure le maintien de services écosystémiques indispensables pour le bien-être des collectivités et on évite de devoir payer de grosses sommes pour les compenser. Pour notre projet réalisé dans le bassin versant de la rivière Trois-Saumons, l’accent était mis sur la conservation des milieux humides, une catégorie de milieux naturels. Voici quelques services rendus par ces milieux :
Régulation du niveau de l’eau
Certains milieux humides ont une grande capacité de rétention de l’eau ce qui, notamment en période de crue, permet d’atténuer les inondations. La rétention de l’eau favorise aussi la recharge de la nappe phréatique.
Filtration de l’eau
Par leur grande densité végétale, plusieurs milieux humides filtrent l’eau et retiennent les polluants, les nutriments et les sédiments. La végétation agit également à titre de rempart contre l’érosion.
Rafraîchissement de l’eau
La végétation des milieux humides offre une protection contre le soleil. Elle préserve ainsi la fraîcheur de l’eau et diminue le risque de prolifération des algues.
Réservoir de biodiversité
Les milieux humides constituent des habitats pour de nombreuses espèces fauniques et floristiques. Plusieurs espèces à situation précaire en dépendent comme le petit blongios et la valériane des tourbières.
Séquestration de carbone
Ayant une bonne capacité de séquestration de carbone, un gaz à effet de serre, les tourbières jouent un rôle dans l’atténuation des impacts des changements climatiques.
Qualité du paysage
Les milieux humides préservent le caractère naturel du paysage, valorisent les terrains avoisinants et offrent des lieux de loisir.
Des milieux naturels débordant de biodiversité!
Lors des inventaires floristiques et fauniques réalisés dans le cadre de notre projet de conservation volontaire dans le bassin versant de la rivière Trois-Saumons, nous avons répertorié :
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169 espèces floristiques, dont 5 plantes exotiques envahissantes;
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42 espèces d’oiseaux;
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9 espèces d’amphibiens et de reptiles;
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10 espèces de mammifères.
Parmi la flore, notons des espèces typiques des milieux humides, ayant le statut hydrique de « plantes obligées des milieux humides » (OBL), telles que la sarracénie pourpre, le cassandre caliculé, l’iris versicolore ainsi que le kalmia à feuilles d’Andromède.
Étant un lieu de reproduction de prédilection pour les insectes, les milieux humides attirent des chauves-souris et de nombreux oiseaux insectivores, comme les parulines et les moucherolles, qui viennent s’y régaler. Plus du tiers des oiseaux du Canada se reproduisent, se nourrissent ou font escale dans les milieux humides au cours de leur migration! Notons également les nombreux amphibiens y déposant leurs œufs au printemps, le rat musqué y construisant sa hutte, l’orignal se nourrissant de plantes aquatiques et la bécasse d’Amérique trouvant refuge dans les aulnaies.
Un bilan inspirant
Notre projet de conservation volontaire de milieux humides dans le bassin versant de la rivière Trois-Saumons, dont la phase I s’est réalisée en 2021-2022 et la phase II en 2023-2024, se termine avec un excellent bilan. Nous visions la signature de 16 ententes de conservation volontaire protégeant 55 ha de milieux humides, objectifs qui ont été dépassés. En effet, ce sont 17 propriétaires sur les 19 participants qui se sont engagés dans la protection de leurs milieux naturels, ce qui représente 360 ha de milieux naturels conservés, dont 220 ha de milieux humides.
Nous avons eu le plaisir de réaliser ce projet en collaboration avec l’Organisme des bassins versants (OBV) de la Côte-du-Sud et grâce à l’appui de nombreux partenaires : l’Agence de mise en valeur des forêts privées des Appalaches (AMVAP), l’Association forestière du sud du Québec (AFSQ), le Bureau d’écologie appliquée (BEA), Capitale Nature, le Conseil régional de l’environnement Chaudière-Appalaches (CRECA), le Journal Le Placoteux, la MRC de L’Islet, la municipalité de Saint-Aubert, la municipalité de Saint-Jean-Port-Joli, la municipalité de Saint-Damase-de-L’Islet et le Syndicat des propriétaires forestiers de la région de Québec (SPFRQ).
Cette initiative était prévue dans le Plan d’action 2018-2023 de la Stratégie québécoise de l’eau qui déploie des mesures concrètes pour protéger, utiliser et gérer l’eau et les milieux aquatiques de façon responsable, intégrée et durable. Elle a été rendue possible grâce à la participation financière du gouvernement du Québec, dans le cadre du Programme de soutien régional aux enjeux de l’eau (PSREE) du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), ainsi qu’au soutien financier de la Fondation de la faune du Québec et de son partenaire Habitat faunique Canada.
Futur projet dans Bellechasse
Nous réaliserons peut-être une troisième phase du projet dans le futur, mais d’ici là, c’est un nouveau projet de conservation volontaire de milieux humides dans le bassin versant de la rivière Boyer, dans Bellechasse cette fois-ci, que nous développons avec grand intérêt. Si vous demeurez sur ce territoire et possédez un milieu humide sur votre propriété, n’hésitez pas à nous contacter!
Source des images : AF2R