La livrée est un insecte indigène de l’Amérique du Nord, c’est-à-dire qu’elle est présente dans nos forêts depuis des centaines d’années. Les épidémies s’autorégulent grâce à des facteurs environnementaux, comme un accroissement de prédateurs. La livrée ne menace donc pas la survie des écosystèmes. Elle peut par contre affecter certaines activités humaines. Comme l’érable à sucre fait partie des cinq espèces préférées de la livrée, les acériculteurs(-trices) ont avantage à bien connaître cet insecte.
Dommage aux arbres
La livrée est un défoliateur, c’est-à-dire qu’elle consomme les feuilles. Lors d’une épidémie, les arbres touchés peuvent perdre une part importante de leur feuillage, voire l’entièreté. La livrée a été observée sur 29 espèces forestières canadiennes, dont 27 feuillus. Par ordre de préférence, elle touche le peuplier faux-tremble, le bouleau à papier, l’érable à sucre, le saule puis le chêne rouge. Notons que l’érable rouge n’intéresse pas la livrée.
De façon générale, cet insecte cause peu de dommages permanents aux arbres. Comme la défoliation survient tôt dans l’été, les arbres ont le temps de produire une nouvelle feuillaison. Cet effort affaiblit néanmoins les arbres et les rend plus vulnérables aux autres insectes, maladies ou stress environnementaux ou anthropiques. Trois années ou plus de défoliation intense sont nécessaires pour causer la mortalité de feuillus vigoureux. Par contre, les feuillus préalablement affaiblis peuvent mourir dès la première défoliation sévère. C’est pourquoi la livrée est considérée comme un assainisseur de forêt.
Les épidémies de livrée
La livrée est toujours présente dans les forêts québécoises. Généralement, les larves sont peu nombreuses, mais périodiquement, il y a des épidémies et on peut alors compter jusqu’à 100 000 livrées par arbre. Cette variation cyclique de la taille des populations est influencée par le nombre de prédateurs et autres ennemis de celle-ci, et par la résistance des arbres aux ravageurs. Après plusieurs années sans infestation de livrées, les arbres réduisent leur défense et le nombre d’ennemis diminue. Cela favorise l’accroissement des populations de livrées et par conséquent, les épidémies. En réaction, le nombre d’ennemis de l’insecte et la défense des arbres s’accroissent, ce qui régule naturellement les épidémies.
La première épidémie recensée au Québec remonte à 1791. Depuis, les épidémies se produisent aux 7 à 11 ans en moyenne et durent de deux à cinq ans. Pendant ces périodes épidémiologiques, les fortes densités de population se déplacent d’une forêt à l’autre. On voit généralement une chute des populations de livrée dès l’année suivant une forte densité, ce qui permet à la majorité des arbres de survivre.
Identifier la livrée des forêts
La livrée est un insecte volant sous sa forme adulte. Par contre, c’est sous sa forme de larve qu’il est le plus dommageable pour l’arbre.
Caractéristiques de la larve
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Longueur jusqu’à 50 mm;
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Tête grise bleutée;
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Corps bleu traversé de quatre bandes orangées et d'une rangée de taches blanches en forme de trou de serrure;
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Présence de très longs poils;
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Aspect de plus en plus coloré et velu avec les mues.
La livrée au fil des saisons
La livrée est présente sous la forme d’œufs pendant la majorité de l’année. Les œufs sont pondus au milieu de l’été. Les chenilles apparaissent en groupe de 5 à 200 individus au début mai de l’année suivante, et ce, de façon synchronisée avec le débourrement des feuilles. Les larves consomment des feuilles jusqu’à leur maturité, soit vers la fin juin. Elles se transforment alors en pupes puis en adultes.
Les masses d’œufs
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De couleur grise;
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Longueur de 1 à 2 cm;
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En forme de bague;
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Situées autour des ramilles;
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Recouverte d’une écume foncée spumeuse.
La gestion des boisés
Normalement, les parasites, les prédateurs (oiseaux, guêpes, fourmis), les maladies et le gel maintiennent les populations de livrées à un niveau endémique. Même en période de pullulation, ces facteurs contribuent considérablement à réduire les populations, jusqu’à 80 %. C’est pourquoi il n’est généralement pas nécessaire d’intervenir en période d’infestation à moins que certaines activités économiques, telle l’acériculture, soient compromises.
Réduire la vulnérabilité de la forêt
Il est préférable d’adapter nos pratiques pour réduire la vulnérabilité des arbres face aux défoliations.
Pour ce faire, il est conseillé de consulter un(e) ingénieur(e) forestier(-ère). De façon générale, il faut maintenir les arbres dans le meilleur état de santé possible, soit :
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Aménager régulièrement le boisé pour que les arbres aient une bonne croissance;
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Maintenir les arbres les plus sains en forêt et récolter les arbres affaiblis ou moribonds;
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Éviter de blesser les arbres et de compacter le sol;
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Maintenir une bonne diversité en espèces (l’érable rouge est un atout en acériculture, car il n’intéresse pas la livrée);
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Réduire les stress imposés aux arbres défoliés en limitant l’entaillage des érables et en évitant les coupes forestières pendant et à la suite d’une épidémie.
Protéger l’activité acéricole
Une forte défoliation par la livrée force les érables à utiliser une part de leur réserve de sucre pour faire une deuxième feuillaison, ce qui réduit la vigueur des arbres. Si l’on craint pour la survie de nos arbres, on peut faire évaluer les risques de subir deux défoliations sévères successives par un(e) professionnel(le) forestier(-ère). Cette personne évaluera la présence de masses d’œufs à l’automne afin d’estimer les populations potentielles de la prochaine année. Elle vous conseillera aussi sur la pertinence d’utiliser un insecticide.
Il existe différents insecticides disponibles, dont le BTK qui est un produit biologique touchant toutes les espèces de papillons (livrée incluse). Il doit être utilisé avec parcimonie, même s’il est moins dommageable que les insecticides conventionnels. De plus, cet insecticide est coûteux. Il doit être appliqué par hélicoptère en début de saison et il faut réserver les services d’un professionnel plusieurs mois à l’avance.
La gestion des arbres en milieu résidentiel
À proximité des résidences, la livrée peut être une nuisance en période épidémique en raison de sa forte abondance. Les larves peuvent recouvrir les murs des maisons, rendre les chaussées glissantes, etc. Elles peuvent aussi nuire à la santé des arbres ornementaux. Compte tenu de la courte durée des infestations, l’option la plus simple est de tolérer la présence des chenilles. Il existe néanmoins certaines stratégies pour limiter la défoliation sur les arbres d’intérêt.
Combattre la livrée
On peut éliminer les masses d’œufs avant l’éclosion des larves. Il faut inspecter les ramilles des feuillus à la recherche de bagues d’œufs, les enlever et les détruire.
Une fois que les larves ont commencé à se nourrir, on peut les faire tomber avec un jet d’eau à forte pression.
On peut asperger le tronc d’eau savonneuse (1 c. à thé par litre d’eau). Ensuite, il faut les empêcher de gravir l’arbre à nouveau. Pour ce faire, on peut appliquer plusieurs rangées de ruban adhésif gris à l’envers sur la périphérie du tronc et les remplacer au fil des jours. Notez qu’il est important de retirer le ruban à la fin de la saison pour ne pas étrangler l’arbre lors de sa croissance. On peut aussi appliquer un insecticide tel que le TanglefootMD sur le tronc de l’arbre après la pousse des feuilles pour faire obstacle aux chenilles.
La dernière épidémie de Livrée des forêts au Québec
Au cours des 100 dernières années, il y a eu 7 épidémies de livrée au Québec. La dernière a commencé aux environs de 2016 dans le sud de la province.
En 2016, les populations de livrée étaient en phase de croissance. En 2017 et 2018, l’état était considéré comme épidémique dans 7 régions : Outaouais, Montérégie, Estrie, Centre-du-Québec, Lanaudière, Laurentides et Abitibi-Témiscamingue. De la mortalité a été observée dans plusieurs érablières d’apparence saines. Toutefois, l’analyse de certaines érablières touchées gravement indique que les érables étaient affaiblis avant l’arrivée de la livrée. En 2019, les observations aériennes et au sol n’ont pas relevé de livrée dans ces sept régions. En 2021, il y a eu une légère augmentation des observations en Abitibi-Témiscamingue et dans les Laurentides. Puis, en 2022, ce fut le tour du Bas-Saint-Laurent et du Nord-du-Québec. Comme des données restent à être compilées, il est difficile de déterminer à quel moment l’épidémie s’est terminée ou se terminera. On peut néanmoins présumer que le sud du Québec ne sera pas touché par une nouvelle épidémie avant quelques années.
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