Articles hiver 2025

La gestion des forêts au temps du nerprun

Qu’il soit bourdaine ou cathartique, le nerprun s’observe de plus en plus dans les forêts méridionales québécoises. Ces espèces exotiques envahissantes, aidées par les changements climatiques, se répandent petit à petit vers le nord de la province. Puisqu’il nous est impossible de remonter le temps et de prévenir son introduction sur notre territoire, il faut se rendre à l’évidence, le nerprun est là pour rester. La question est de savoir comment gérer les forêts en tenant compte de cette réalité.

Au Québec, près du tiers des espèces floristiques ne sont pas indigènes de la province. Certaines peuvent constituer une menace pour la biodiversité en raison de leur facilité à se propager et à créer des populations dominantes, c’est ce qu’on appelle les espèces exotiques envahissantes (voir encart). Le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a identifié 18 plantes exotiques envahissantes dont il est primordial de se préoccuper en priorité. Parmi celles-ci se retrouvent les nerpruns. Il s’agit d’espèces dont la croissance est rapide et qui tolèrent bien les milieux ombragés autant secs qu’humides. Ces arbustes sont capables de se reproduire par marcottage et de produire une grande quantité de graines qui, une fois ingérées par les oiseaux et les mammifères, sont répandues sur un grand territoire, favorisant leur dispersion rapide. De plus, leurs graines restent viables plusieurs années dans le sol.


DÉFINITION

ESPÈCE : végétal, animal ou micro-organisme

EXOTIQUE : qui n’est pas dans son aire de répartition naturelle

ENVAHISSANTE : qui se propage à une vitesse excessive


BOURDAINE OU CATHARTIQUE?

Il existe deux nerpruns exotiques envahissants dans les forêts et autres milieux du Québec, soit le nerprun bourdaine (Frangula alnus) et le nerprun cathartique (Rhamnus cathartica). Bien qu’ils soient très semblables, quelques caractéristiques permettent de les distinguer. Les principales sont présentées au Tableau 1.

 

 

 

La meilleure saison pour identifier les nerpruns est l’automne. Leur coloration demeure d’un vert profond bien après que les autres arbres et arbustes aient perdu leur feuillage si bien qu’ils en ont une allure irréelle. Certaines personnes ont même parfois l’impression que des plantes artificielles en plastique se retrouvent dans leur forêt!

 

DU SUD VERS LE NORD

L’aire de répartition des nerpruns est limitée au sud du Québec. Toutefois, en raison des changements climatiques, les températures planétaires globales augmentent et entraînent la création d’un environnement propice à la prolifération de cette espèce dans des régions de plus en plus nordiques. Il est donc important de considérer son potentiel d’introduction dans la gestion des forêts. En plus de la progression nordique à partir des États-Unis, ces espèces étaient, à une époque, recommandée en horticulture pour favoriser la faune. Ainsi, ils ont été implantés dans des aménagements floraux à divers endroits et cela contribue à créer des foyers d’infestation locaux isolés de l’aire de répartition normale des espèces.

 

 

Les nerpruns, particulièrement, le cathartique, profite des trouées créées dans les forêts méridionales par un autre envahisseur, l’agrile du frêne (Agrilus planipennis). Il n’est pas rare de constater que les mortalités massives d’arbres favorisent la prolifération des nerpruns dans les milieux nouvellement ouverts.

 

ADAPTATION DES MÉTHODES DE SYLVICULTURE

Le Guide de gestion du nerprun bourdaine pour les propriétaires forestiers, rédigé en 2021 par l’Agence de mise en valeur de la forêt privée de l’Estrie (AMFE), propose des méthodes de sylvicultures adaptées à cette réalité. La colonisation par le nerprun survient lorsqu’une ouverture se crée dans la canopée. Toutefois, la limitation de la lumière empêche son développement sur le long terme. La compétition par une régénération arbustive bien établie nuit aussi à la prolifération de cette espèce exotique envahissante.

C’est en tenant compte de ces éléments que l’AMFE propose des recommandations dont les plus percutantes sont les suivantes :

  • Considérer la présence du nerprun et la possibilité

  • d’envahissement lors des traitements sylvicoles;

  • Laisser plus de temps entre deux coupes partielles

  • afin de permettre au couvert forestier de croître;

  • Récolter les arbres selon une distribution réduisant

  • la dimension des trouées;

  • Conserver la végétation sous le couvert forestier;

  • Enrichir les trouées à l’aide d’essences appropriées.

Il faut noter que ces techniques sylvicoles n’ont pas pour vocation d’éliminer le nerprun, mais plutôt de contrôler leur présence et d’éviter qu’il ne prenne le dessus dans le sous-bois de la forêt, empêchant toute possibilité d’exploitation. Les mesures de gestion proposées s’appliquent également au nerprun cathartique.

Plusieurs essais et recherches se font pour lutter contre les nerpruns. Lorsque l’envahissement est léger, des corvées d’arrachage manuel sont possibles. Les coupes mécanisées sont déconseillées puisque ces espèces font des rejets de souches importants. D’autres mesures, dont l’utilisation d’herbicides, sont possibles. Toutefois, dans tous les cas, il est illusoire de penser éliminer ces espèces puisqu’elles sont propagées facilement par la faune. L’idée est de limiter les effets nuisibles là où c’est important et d’apprendre à vivre avec ces espèces, car elles sont là pour rester.

 


EN SAVOIR PLUS

 Pour plus d’informations sur la répartition de l’espèce, consultez les liens suivants montrant les observations sur iNaturalist pour le nerprun bourdaine et le nerprun cathartique.

 

Sources de l’article

 

 

 

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