L’éclaircie précommerciale (EPC) est utilisée dans les jeunes forêts pour réduire la compétition entre les tiges, ce qui permet d’augmenter leur croissance diamétrale. Nous manquons toutefois de directives spécifiques quant à son application en peuplement mixte, composé d’un mélange de conifères et de feuillus. Comme ces peuplements pourraient être un élément clé de l’adaptation aux changements climatiques, nous avons besoin d’établir des modalités favorisant à la fois l’accroissement des tiges et la mixité des peuplements. Ici, nous comparons les effets de différentes méthodes d’application de l’EPC sur un site dominé par les bouleaux.
L’EPC consiste à retirer les tiges à proximité d’une tige d’avenir pour favoriser sa croissance en diminuant la compétition. Au Québec, les modalités d’application de l’EPC diffèrent entre les peuplements résineux et feuillus. En forêt résineuse, l’EPC systématique domine, alors qu’en forêt feuillue, c’est généralement l’EPC par puits de lumière qui est utilisée. Nous manquons actuellement de données nous permettant de déterminer la variante à appliquer en forêt mixte ainsi que le degré de mixité à viser dans la composition des tiges dégagées. La définition de telles modalités est essentielle à notre sylviculture, car la diversité favorise la résilience et la résistance des forêts dans le contexte des changements climatiques, tout en servant de police d’assurance pour la production de bois.
UNE ÉTUDE COMPARANT DIFFÉRENTES MODALITÉS D’EPC
En 2005, une expérience visant à comparer des variantes de l’EPC a été établie à proximité du lac Sirois (zec Batiscan-Neilson; Tableau 1; Figure 1). Le peuplement, issu d’une coupe totale en 1994, était majoritairement composé de bouleaux jaunes et de bouleaux à papier, avec le sapin baumier comme essence résineuse. Nous avons comparé les effets des modalités de traitement sur l’accroissement individuel et la composition 15 ans après le traitement.
TOUTES LES MODALITÉS D’EPC ONT FAVORISÉ L’ACCROISSEMENT DES TIGES
Pour les trois essences dominantes, toutes les modalités d’EPC ont augmenté la croissance diamétrale : l’accroissement annuel moyen des diamètres à hauteur de poitrine (DHP) était de 60 à 107 % supérieur au témoin, selon les modalités et l’espèce.
Bouleau jaune : 61 à 107 % • Bouleau à papier : 63 à 94 % • Sapin baumier : 60 à 74 %
Pour les bouleaux, ces gains en croissance diamétrale se sont répercutés sur le diamètre moyen quadratique2, qui était de 20 à 29 % plus élevé dans les EPC systématiques que dans les témoins. Le diamètre moyen quadratique des EPC puits ne différaient pas des témoins. La longueur de fût (évaluée par la hauteur de la première branche vivante) était toutefois de 23 à 31 % plus faible pour le bouleau à papier et de 30 à 34 % plus faible pour le sapin baumier dans les variantes systématiques que dans les témoins. Les fûts des arbres des variantes puits ne présentent pas de différence avec les arbres non éclaircis. Cependant, les bouleaux de cette modalité ont été élagués sur un tiers de leur hauteur lors de l’éclaircie. Cet élagage visait à éliminer les mauvaises fourches et les grosses branches basses.
LES MODALITÉS VISANT UNE PRODUCTION MIXTE SE RAPPROCHENT DE LA TRAJECTOIRE NATURELLE DES PEUPLEMENTS
Pour évaluer l’évolution de la composition depuis la réalisation de l’EPC, nous avons utilisé une courbe de réponse principale. Cette analyse permet de comparer la composition des peuplements traités à celle des témoins (Figure 2). Plus la distance est grande entre deux lignes, plus leur composition en essence diffère. Ici, les traitements avec objectif de production mixte (Syst-M et Puits-M) se rapprochent du témoin avec le temps, un résultat qui s’expliquerait par l’autoéclaircie des témoins. Cependant, la composition des traitements avec objectif de production résineuse (Syst-R) ou feuillue (Puits-F) reste distincte des témoins, même 15 ans après éclaircie. Sur la Figure 2, le positionnement des lignes de traitement par rapport aux essences indique les essences qui y sont associées. Par exemple, le traitement Puits-F est caractérisé par sa composition en bouleaux, alors que le traitement Syst-R a une plus grande proportion de sapin baumier.
DES GAINS D’ACCROISSEMENT TOUT EN CONSERVANT LA COMPOSITION MIXTE DES PEUPLEMENTS
Selon ces résultats, il semblerait que l’EPC peut générer des gains d’accroissement en peuplement mixte, tout en imitant la dynamique naturelle, ce qui soutient son application dans un contexte d’aménagement écosystémique. Bien que les variantes d’EPC aient fourni des gains similaires, la variante systématique a permis d’obtenir des gains en diamètre moyen quadratique. Cette variante était toutefois liée à de plus courtes longueurs de fût, ce qui pourrait avoir un effet à long terme sur la qualité des bois produits, bien que le traitement d’élagage des feuillus limite nos conclusions. Notre étude démontre également que les bénéfices de l’EPC peuvent être obtenus en conservant la composition mixte des peuplements, ce qui pourrait consolider leur capacité d’adaptation face aux changements climatiques. Des études futures viseront à confirmer ces résultats dans des peuplements mixtes de composition différente.
2 Le diamètre moyen quadratique est une mesure de tendance centrale calculée à partir de la surface terrière, qui représente le diamètre moyen des arbres, en donnant un poids plus important aux arbres à fort diamètre.
Source des images : Daniel Dumais
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