Articles hiver 2025

La place du carbone dans le futur

Carbone, CO2, gaz à effet de serre, énergies fossiles, changements climatiques, crédits carbone, carboneutralité, etc. On entend régulièrement ces termes quand on parle du climat du futur ou du besoin de « décarboner » nos vies et nos entreprises; mais pourquoi parle-t-on toujours du carbone? Et comment tous ces concepts sont-ils reliés?

LES GAZ À EFFET DE SERRE ET LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Les rayons infrarouges du soleil, c’est-à-dire la chaleur, sont en partie absorbés par les diverses surfaces de la Terre, retenus dans l’atmosphère et reflétés dans l’espace. Or, les gaz à effet de serre (GES) de nature anthropique, c’est-à-dire causés par les activités humaines, retiennent une plus grande partie de la chaleur dans l’atmosphère. Ils sont l’équivalent d’un édredon qui épaissit à mesure que les GES s’accumulent : c’est l’effet de serre.

Certains GES, comme la vapeur d’eau, font partie des cycles naturels et maintiennent le climat à un niveau confortable ou habituel. Cependant, l’utilisation des énergies fossiles ajoute des couches supplémentaires à l’édredon. En brûlant du gaz naturel, du pétrole ou du charbon, on retire des éléments fossilisés qui étaient séquestrés sous la croûte terrestre. Ces longues chaînes de carbone et autres éléments chimiques proviennent de la décomposition de plantes, d’animaux et d’autres organismes vivants, survenue il y a des millions d’années. Leur combustion émet l’énergie nécessaire à nos activités, mais relâche aussi dans l’atmosphère divers gaz, qui ne s’y seraient pas retrouvés autrement, voire naturellement.

Le gaz carbonique (nommé aussi dioxyde de carbone ou CO2) constitue environ 75 % des GES produits par nos activités. À l’aide des archives géologiques et glacières, on peut estimer et mesurer quelles étaient les concentrations de CO2 à diverses époques de la Terre. La prise de mesures directes du CO2 dans l’atmosphère a débuté autour des années 1960 (Figure 1). On observe que la concentration de ce gaz s’est élevée tranquillement à partir de la révolution industrielle autour des années 1760, puis le rythme s’est grandement accéléré avec l’explosion manufacturière et démographique du début du 20e siècle. L’ensemble des données de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NAOO) montre bien la constante augmentation du dioxyde de carbone, malgré les variations saisonnières naturelles dues à l’arrêt hivernal de la photosynthèse en milieu nordique. (Ces données sont disponibles en ligne)

 

 

Plus de GES émis signifient plus d’énergie thermique retenue dans le système atmosphérique, ce qui provoque une expansion des masses d’air et d’eaux et par conséquent, des déplacements des courants atmosphériques et marins. Cela implique également la montée du niveau de la mer, l’augmentation des vents, des tornades, des pluies par endroits et des sécheresses à d’autres. Bref, plus de variabilité et d’imprévisibilité. Le climat est bouleversé : ce sont les changements climatiques.


LE MARCHÉ DU CARBONE ET LA DÉCARBONATION

Les besoins en énergie toujours grandissant de l’humanité et la réalisation des conséquences climatiques potentielles à l’échelle mondiale ont mené à l’apparition de diverses rencontres, comme la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC 1992), les Conférences des parties pour le climat (COP) depuis 1995, le Protocole de Kyoto (1997), l’Accord de Paris (2015), etc. Toutes ces ententes et stratégies visent la décarbonation, soit la réduction des émissions de GES, surtout celles des pays riches et industrialisés. Pour inciter les grands émetteurs à consentir les efforts nécessaires, les gouvernements ont mis en place deux types de mécanismes : la taxe carbone et la bourse ou le marché du carbone. Les grands émetteurs payent un montant selon diverses modalités pour des tonnes de GES émises et l’argent est redistribué aux citoyens ou attribué au développement de solutions technologiques ou de mesures d’adaptation aux changements climatiques.

L’empreinte carbone, c’est la quantité de gaz à effet de serre relâchée dans l’atmosphère à cause d’une ou d’un ensemble d’activités. Afin de réduire celle-ci, les émetteurs envisagent différentes stratégies, telles que tourner l’économie vers les énergies renouvelables pour remplacer les énergies fossiles (ex. : changer un système de chauffage au mazout par celui utilisant l’hydroélectricité). Lorsque c’est impossible de se débarrasser complètement des énergies qui émettent du CO2, il y a plusieurs options : le capter, le transformer en d’autres produits utiles, le neutraliser sous forme minérale ou le séquestrer sous terre (capture et séquestration du carbone). Si là encore, ce n’est pas possible, non rentable ou que la technologie n’est pas au point, alors on choisit de compenser les émissions de GES.


LE MARCHÉ DES CRÉDITS CARBONE

Divers marchés du carbone ont vu le jour. Sur ces plateformes, les émetteurs qui ne peuvent éliminer ou réduire complètement leurs émissions y échangent des crédits de carbone. Les individus, les institutions ou les entreprises compensent ainsi leurs émissions en achetant à d’autres des tonnes d’équivalent CO2 qu’ils ont « mises en banque ». Le CO2 étant le principal gaz responsable des changements climatiques, on transforme les émissions des autres GES (comme le méthane – CH4) en CO2 équivalent selon leur pouvoir réchauffant respectif.

Par exemple : 1 tonne de CH4 = 28 tonnes d’ équivalents CO2.

Ces crédits peuvent être générés à l’aide de phénomènes naturels (on dit alors « basés sur la nature ») ou à l’aide de diverses technologies. La plantation d’arbres est une option populaire, puisque que via la photosynthèse, les végétaux captent le CO2 de l’atmosphère et séquestrent ensuite le carbone (voir l’encart). La culture d’algues à grande échelle, comme les laminaires longeant le fleuve Saint-Laurent, a démontré un haut potentiel de capture du CO2 et le nombre de projets et les crédits qui y sont associés devraient croître au cours des prochaines années. Malgré leur potentiel, les projets technologiques d’ingénierie coûtent très chers, jusqu’à plusieurs centaines, voire des milliers de dollars par tonne captée, comparativement à ceux basés sur la nature. Néanmoins, ils font partie d’une panoplie de solutions qui doivent être mises en place afin de stopper les changements climatiques et leurs effets néfastes.

La décarbonation devrait être un objectif commun des gouvernements, des entreprises et des individus où l’évitement et la réduction d’émissions de GES sont priorisés. Hélas, ce n’est pas ce qui est observé. Pour atteindre la carboneutralité en 2050, il faudrait que d’ici là, le bilan net de chaque année ne présente pas plus de GES que l’année précédente. Cela sous-entend que l’équivalent CO2 de tous les GES émis chaque année soit capté via la nature ou la technologie. Pour ce faire, des projets ambitieux et des mesures plus drastiques devront être mis de l’avant rapidement.

Notre vision devrait s’élargir à une échelle plus globale. Nous devons réaliser que nos émissions peuvent voyager à des milliers de kilomètres dans notre atmosphère commune et y rester des centaines d’années, affectant les générations futures. Lorsqu’un projet est évalué pour son acceptabilité sociale, on devrait tenir compte de ces phénomènes. Tout comme il faut être prudent et ne pas accepter n’importe quoi, il faut aussi réaliser que des désagréments locaux peuvent être synonymes de réels bénéfices climatiques globalement, pour tous.

Au fil des ans, les impacts des changements climatiques deviennent de plus en plus évidents : augmentation de la fréquence et de l’intensité des désastres naturels, changements dans les cultures agricoles et aquacoles, apparitions de maladies et parasites, impacts sur les chaînes d’approvisionnement, l’assurabilité, la santé humaine, la biodiversité… Alouette! En somme, il n’y a pas de solution facile ni magique et qu’on le veuille ou non, nous sommes tous impliqués dans cette course contre la montre.


L’EXEMPLE DE CARBONE BORÉAL

Carbone boréal a été instauré à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC). C’est à la fois un programme de compensation d’émissions de GES et une infrastructure de recherche où les arbres plantés sont aussi utilisés pour étudier la participation des forêts dans la lutte aux changements climatiques.

 

 


EN SAVOIR PLUS

Pour en savoir plus sur Carbone boréal, UQAC, visitez le site

 

 

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