Articles hiver 2025

Construction de chemins forestiers; les notions essentielles

La construction de chemins forestiers est une étape cruciale dans un chantier d’opérations forestières. Voici les éléments essentiels à savoir sur le sujet.

La construction de chemins forestiers a des répercussions sur les équipes de récolte, car elle détermine la distance de débardage, mais également sur le transport du bois, puisqu’elle affecte directement le temps de cycle des camions. Les sujets traités dans cet article sont basés sur le contexte de la forêt publique. Néanmoins, certaines informations et ressources ont été ajoutées pour une meilleure applicabilité en forêt privée. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le Guide terrain Saines pratiques d’intervention en forêt privée (SPIFP).


DÉBOISEMENT DE L’EMPRISE DE CHEMINS FORESTIERS

Une fois l’emplacement du futur chemin bien identifié sur le terrain, on doit en déboiser l’emprise. En terre publique, la largeur d’emprise permise est déterminée par la classe de chemin planifiée (Figure 1). Il est recommandé de récolter la largeur maximale permise pour avoir une meilleure flexibilité lors de la mise en forme du chemin et pour assurer une exposition de la chaussée au soleil, ce qui facilitera son séchage. En forêt privée, l’emprise est généralement plus étroite, le guide terrain SPIFP suggère que de ne pas dépasser deux fois la largeur de la chaussée.

Suite à l’abattage, le bois doit être empilé de manière à ne pas nuire aux équipements de mise en forme, mais doit être disposé adéquatement pour être éventuellement récupérable par la chargeuse une fois le chemin construit. De manière générale, on évite tous les endroits où de la matière minérale sera récupérée pour la construction du chemin.

 

 

Mis à part quelques exceptions, la circulation de machinerie est interdite sur le lit d’un cours d’eau en forêt publique par l’article 26 du Règlement sur l’aménagement durable des forêts du domaine de l’État (RADF). En forêt privée, bien que les règlements varient d’une MRC ou d’une municipalité à l’autre, il est généralement interdit de traverser à gué. Un tracé de chemin évitant autant que possible les cours d’eau est donc conseillé.

Il est donc essentiel d’analyser attentivement l’hydrographie lors de la planification du chemin et de l’opération de déboisement, car la présence de ruisseaux pourrait nécessiter l’installation de traverse de cours d’eau temporaire (coûts additionnels et répercussions environnementales) ou simplement limiter la distance déboisable d’un seul tenant.

Lorsque la planification le permet, il peut être avantageux de prévoir des blocs de coupe d’appoint à proximité, permettant ainsi aux équipements de récolte de travailler pendant que l’équipe de mise en forme avance le chemin et installe les traverses de cours d’eau. Une fois l’infrastructure installée, l’abatteuse peut poursuivre son déboisement.

 

MISE EN FORME DE CHEMINS FORESTIERS 

LA MATIÈRE VÉGÉTALE

Pour les chemins tertiaires (classe 4 et 5) en forêt publique, il est permis d’utiliser de la matière végétale pour consolider la fondation du chemin. Communément appelé le « bed », cette couche de souches à l’envers, de mousses et de racines doit être uniformément répartie et bien compactée pour éventuellement soutenir la matière minérale. Bien que cette méthode procure une importante économie de coût lors de la construction, elle diminue la durée de vie du chemin. C’est pour cette raison qu’on l’utilise seulement pour les chemins avec une courte durée de vie.

Pour les chemins avec une plus grande durée de vie (classe 1, 2 et 3) en forêt publique, cette matière végétale doit être retirée et disposée, ce qui occasionne évidemment des coûts supplémentaires.

En forêt privée, il est rare d’utiliser des souches, racines et mousses pour la fondation des chemins compte tenu de l’utilisation long terme de l’infrastructure.

LE DÉBLAI ET LE REMBLAI

Cette étape, que plusieurs appellent le « terrage », consiste à déplacer le sol minéral à l’intérieur de l’emprise pour donner au chemin le profil et la largeur désirée. Lorsque le terrain est favorable, ce matériel peut provenir de l’excavation des fossés de drainage. Par contre, si le sol est mince ou qu’il y a peu de sol minéral, il peut être nécessaire de transporter du bon matériel à partir d’un banc d’emprunt (site où l’on extrait le matériel) à l’aide de camions ou de tombereaux.

Dans la mesure où il est impossible d’éviter de traverser un milieu humide, une série de mesures peuvent être mises en place pour assurer la solidité de l’infrastructure. Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le document Routes d’accès et Milieux humides, un guide regroupant l’ensemble des bonnes pratiques pour la voirie en milieux humides, ou le Guide des saines pratiques d’interventions forestières en milieu humide boisé des forêts privées du Québec réalisé par l’Agence forestière des Bois-Francs.

Pour être durable dans le temps, la structure du chemin doit permettre l’évacuation rapide de l’eau, soit avoir une forme convexe, sans toutefois occasionner de sédimentation. Ainsi, il est recommandé que la pente de la couronne de la surface de roulement soit d’environ 2 % et que la pente des talus du chemin et des fossés soit inférieure à un dénivelé d’une unité verticale pour 1,5 unité horizontale (Figure 2).

 

 

DRAINAGE

Un drainage efficace est essentiel à une infrastructure durable et de qualité. La grande majorité des dommages causés sur un réseau de chemins forestiers proviennent de l’eau. Celle-ci affecte autant la solidité de la surface de roulement que l’infrastructure et occasionne de l’érosion lorsqu’elle prend de la vitesse.

Un drainage efficace se doit donc de respecter l’écoulement naturel de l’eau, d’éviter l’accumulation de marres et d’éviter le ruissellement trop rapide dans les fossés occasionnant de la sédimentation qui risque d’obstruer les ponceaux en place.

Bien que rien ne peut remplacer l’oeil averti d’un opérateur expérimenté, une carte du réseau hydrographique générée à partir du modèle numérique de terrain LiDAR aide à bien visualiser l’écoulement naturel de l’eau. Ces données sont disponibles gratuitement via la plateforme La Forêt Ouverte du ministère des Ressources naturelles et des Forêts.

 

 

COMPACTAGE

Une fois l’infrastructure bien formée, il est important de la compacter. Cette étape assure de bien solidifier la structure du chemin et de fermer les « pores » qui permettraient à l’eau de s’infiltrer dans la chaussée.

TRAVERSE DE COURS D’EAU

L’installation de traverses de cours d’eau en forêt publique nécessite de prendre énormément de mesures pour éviter la sédimentation dans les cours d’eau et ainsi protéger la faune aquatique. Comme le sujet est complexe et qu’il pourrait faire l’objet d’un article en soi, d’ici là, si vous voulez en savoir plus sur les modalités d’installation de traverse de cours d’eau en terre publique, vous pouvez consulter la section III du chapitre 5 du Guide RADF.

En forêt privée, la construction de traverses est aussi une tâche qui nécessite de la précision. Les principales saines pratiques à respecter sont inscrites dans le guide terrain SPIFP.
Voici néanmoins quelques éléments à vérifier pour une bonne planification du projet :

  • Identifier l’endroit où le cours d’eau est le plus étroit et rectiligne (endroit propice pour une traverse);

  • Identifier les milieux humides, les pentes fortes et les coulées profondes (zones à éviter autant que possible);

  • Évaluer la présence d’un habitat du poisson (absence d’obstacle naturel important, telle une chute, dans les 250 m en amont ou 500 m en aval).

 

LA PRÉSENCE DE CASTOR

Si le chemin est construit dans un endroit où il y a omniprésence de castors, il est judicieux de prendre les mesures nécessaires afin de prévenir les dommages qui pourraient être occasionnés suite à un ponceau obstrué. Pour en apprendre davantage sur les techniques d’intervention, vous pouvez consulter le Guide d’aménagement et de gestion du territoire utilisé par le castor ou le Guide sur la saine gestion du castor par la protection des ponceaux.

 

 

CHEMINS FORESTIERS

L’étape de l’épandage de gravier est très importante. Elle permet de solidifier la surface de roulement pour que celle-ci soit en mesure d’accueillir des camions de bois chargés, et ce, même en cas d’intempéries.

C’est une opération très dispendieuse qu’il est important de suivre de près. Le fait d’épandre une trop grande épaisseur de gravier ou de graveler un trop grand pourcentage des chemins aura certainement pour effet de sécuriser l’opération de transport de bois. Par contre, cela a pour effet de faire augmenter considérablement le coût des chemins forestiers. En contrepartie, un manque de gravier peut avoir des répercussions importantes sur le transport de bois, surtout en temps de pluie.

C’est pourquoi la supervision des équipes de gravier doit se faire de pair avec les opérations de transport du bois. L’objectif ultime est d’épandre le moins de gravier possible, en termes d’épaisseur et de pourcentage de chemin, sans toutefois interrompre les camions.

Le superviseur des équipes de gravier doit donc considérer une multitude de facteurs dans sa prise de décision.

 

1. INVENTAIRE DE BOIS SUR CHEMINS GRAVELÉS : Dans la plupart des chantiers d’opérations forestières en forêt publique, le transport du bois se fait en un flux continu. Il est donc essentiel de considérer les besoins à court terme du transport pour éviter toutes interruptions. Donc, s’il y a peu de bois en inventaire en bordure de route, il est plus difficile d’être flexible avec la météo et de s’ajuster selon les précipitations. Cela implique par conséquent qu’un fort pourcentage des chemins doit être gravelé pour être en mesure de recevoir les camions en temps de pluie.

Le transport de bois en forêt privée est moins fréquent, cela offre donc une plus grande flexibilité au gestionnaire de chantier.

2. LA MISE EN FORME : Suite à la mise en forme d’un chemin, il est préférable de prévoir une période pour que celui-ci sèche. Un chemin bien séché a assurément une meilleure portance et requiert moins de gravier qu’un chemin encore humide. 

Bien que la situation n’est pas souhaitable, les besoins du transport de bois obligent parfois les superviseurs à graveler des chemins dont la mise en forme est trop « fraîche ». Cela occasionne des coûts supplémentaires, car une plus grande quantité de gravier est nécessaire pour couvrir chaque kilomètre.

3. LA DISTANCE DES BANCS D’EMPRUNT : La distance entre les bancs d’emprunt (pits) et les chemins à graveler a une incidence directe sur la productivité de l’équipe et par le fait même, sur le coût de l’opération. Ainsi, il peut être judicieux de réduire le pourcentage de chemins gravelés dans un secteur où il n’y a pas de banc d’emprunt à proximité et d’envisager d’y transporter le bois en période sèche. Si les bancs d’emprunt sont absents ou à des distances démesurées, les chantiers sont généralement planifiés en saison hivernale.

4. LA SAISON D’OPÉRATION : Les chemins sans gravier peuvent être empruntés par des camions chargés seulement par temps sec. Ainsi, l’été est assurément la saison la plus susceptible de permettre le transport du bois sur des chemins forestiers sans gravier. Donc, si le calendrier d’opérations prévoit que le bois d’un chantier soit transporté à l’automne, il faut prévoir que la quasi-totalité des chemins devra être recouverte de gravier pour répondre aux conditions plus humides de la saison.


CONCLUSION

La construction d’un chemin forestier est une succession de plusieurs étapes. De bonnes décisions doivent être prises autant à l’étape du déboisement que de la mise en forme ou de l’épandage de gravier. Un chemin forestier bien construit répondra adéquatement aux besoins des opérations forestières et minimisera l’impact sur l’environnement. 

Dans un contexte d’approvisionnement en matières premières, il faut toujours avoir en tête la question des coûts. Des lacunes, tant au niveau de la planification que de l’exécution des travaux, vont se traduire par une augmentation du coût de la fibre.

 


EN SAVOIR PLUS

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