Articles hiver 2025

Arts et sciences, une recette gagnante?

Les arts et les sciences, bien que différents dans leurs approches, partagent un objectif commun, celui d’explorer et de comprendre le monde. En croisant ces disciplines naissent des récits nouveaux, mêlant rigueur scientifique et sensibilité artistique. Petit bois, fruit d’une collaboration singulière entre une illustratrice et plusieurs scientifiques, offre un regard inédit sur la forêt boréale, convoquant émerveillement et savoir pour inviter à redécouvrir les écosystèmes forestiers.

UN RAPPROCHEMENT DES ARTS ET DES SCIENCES POUR DE NOUVEAUX TYPES DE RÉCITS

Nous connaissons bien aujourd’hui la vulgarisation des sciences, celle qui vise à rendre les découvertes et les concepts scientifiques accessibles à tous pour démocratiser l’accès à l’information et aux connaissances. Il ne s’agit pas seulement de rendre compréhensibles des résultats de recherche ou de décortiquer des idées complexes. La vulgarisation est aussi une manière de découvrir le monde autrement, grâce aux diverses formes d’arts qu’elle convoque, comme le dessin, l’illustration, l’animation ou le design d’objet. Rapprocher les arts et les sciences a également la capacité de convoquer l’émerveillement et la contemplation, approche jouant un rôle important dans la sensibilisation aux enjeux environnementaux, éveillant notre curiosité et contribuant à approfondir notre culture scientifique. Cette approche encourage la pensée critique, essentielle face aux défis contemporains et aux enjeux environnementaux actuels.

La relation entre arts et sciences est un levier au développement de nouveaux types de récits scientifiques, les deux univers pouvant s’enrichir et se compléter l’un l’autre. Là où l’art relève de protocoles créatifs singuliers, faisant appel aux émotions, aux intuitions et à la subjectivité pour porter un regard inédit sur le monde, la science, elle, se caractérise par une approche méthodique, rigoureuse et collective, axée sur l’objectivité et la recherche de « vérités » à travers l’observation et la déduction d’hypothèses, dans un cadre contrôlé et reproductible. Lorsque la science et l’art se rencontrent, ils peuvent dialoguer à travers des idées, des méthodes, des gestes créatifs similaires ou pouvant se répondre mutuellement. Les connaissances et méthodes scientifiques peuvent nourrir l’imagination de l’artiste, donnant naissance à des formes d’arts inédites qui, elles-mêmes, aboutiront sur une autre approche, un autre regard sur cette science, la rendant attractive et percutante auprès du public. Finalement artistes et scientifiques partagent un objectif commun : inspirer, questionner, éveiller la curiosité et approfondir la compréhension du monde qui nous entoure.

 

UNE IMMERSION ARTISTICO-SCIENTIFIQUE À LA FORÊT D’ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE DU LAC DUPARQUET

Marianne Tricot, artiste et illustratrice scientifique parisienne, collabore régulièrement avec des chercheurs et chercheuses, ainsi qu’avec des institutions scientifiques. Une partie de son travail consiste à rendre accessible des recherches et concepts scientifiques grâce au dessin. Une collaboration s’est développée avec l’équipe scientifique du Laboratoire International de Recherche sur les Forêts Froides, situé au Québec qui regroupe des chercheurs et des étudiants en écologie forestière. Leur domaine d’étude porte sur le fonctionnement des écosystèmes forestiers boréaux et de haute altitude. Dorian M. Gaboriau est jeune chercheur postdoctoral et coordinateur de ce Laboratoire. En 2021, il soutient sa thèse portant sur l’étude du régime des feux passé, présent et futur dans le nord-ouest du Canada. Ensemble, ils ont amorcé un projet dans le cadre d’un programme organisé par l’Office Franco-Québécois pour la Jeunesse. La collaboration se met véritablement en place avec une réflexion commune lorsque le projet est lauréat du programme Odyssart en janvier 2024.

Marianne a passé deux mois de résidences au coeur de la forêt boréale, une hivernale, l’autre estivale, pour échanger avec les chercheurs et les étudiants de l’Institut de Recherche sur les Forêts de l’ Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT). Pendant ses séjours, elle a pu dessiner librement, capturer les paysages environnants et partager le quotidien des scientifiques en les accompagnant dans la collecte de données. Des activités de terrain furent organisées comme l’extraction de carottes de sédiments lacustres en hiver ou la récolte de carottes de bois pour l’étude des cernes de croissance des arbres en été. Ces expériences, alliant discussion et exploration, ont permis à Marianne de saisir la forêt boréale sous un angle unique, mêlant sa vision artistique au regard des explications scientifiques.

À la rigueur du contenu scientifique, s’est ajoutée la dimension humaine et quotidienne. L’été 2024 s’est achevé par une immersion dans la communauté autochtone Innu de Pessamit, sur la côte nord du Québec, où Marianne a poursuivi sa récolte de contenu visuel et textuel pour la fabrication du livre. Dorian, lui, a récolté des carottes de sédiments dans la région avec le reste de l’équipe. Ces carottes seront analysées pour reconstituer et comprendre la dynamique passée de l’environnement régional. Cette expérience a permis d’aborder les enjeux scientifiques en lien avec le territoire ancestral des Premières Nations et d’intégrer la dimension socioculturelle des forêts boréales au projet. Le cheminement de cette collaboration a été présenté dans le cadre de la 4e rencontre annuelle du Laboratoire à Ifrane au Maroc en octobre 2024, réunissant une partie des membres scientifiques du Laboratoire sur les Forêts Froides.

 

LA FORÊT, MATIÈRE À RÉFLEXION

Cet exemple de collaboration arts-sciences a permis aux équipes de recherche de présenter à Marianne l’ensemble des projets et activités menés au Laboratoire et à la Forêt d’Enseignement et de Recherche du Lac Duparquet (FERLD), afin qu’elle se familiarise avec la vaste discipline que représente l’écologie forestière. Grâce à des démonstrations sur les méthodes de collecte de données sur le terrain, Marianne a pu découvrir activement les différentes recherches associées aux forêts et à leurs perturbations, manifestant ainsi une curiosité à leur égard, un désir de les dessiner et d’explorer leurs spécificités. Ces sorties sur le terrain, accompagnées d’échanges fructueux au Laboratoire, ont instauré une dynamique pluridisciplinaire singulière, aboutissant à un projet qui sort des cadres habituels de la communication scientifique.

L’idée de cette collaboration est de fabriquer un livre conçu au départ comme un répertoire visuel, poétique et graphique, visant à dévoiler la singularité des forêts froides. Deux perspectives s’y côtoient : l’une plastique et l’autre didactique. La première partie invite le lecteur à découvrir un ensemble de dessins au fil des pages, sans aucune autre indication que les images, comme on entre en forêt pour s’y promener, sans connaître la complexité des phénomènes microscopiques ou systémiques qui la régissent. La seconde partie du livre est composée d’un lexique, proposant une porte d’entrée plus explicative sur l’écologie forestière. À la manière d’un dictionnaire, il entremêle concepts scientifiques, ressentis personnels et anecdotes, et il est enrichi de visuels variés (schémas, croquis, images scientifiques, photographies...). Le livre tente de proposer un récit différent sur la forêt, en mêlant l’image de la forêt merveilleuse et enchantée aux aspects scientifiques qui gravitent autour. Le livre devient un espace d’exploration où le dessin et les connaissances scientifiques se côtoient et se répondent.

À travers l’ouvrage Petit bois, le lecteur est invité à plonger dans le monde infiniment riche de la forêt boréale, de la recherche scientifique et de la vie quotidienne d’une station de recherche, un lieu auquel peu de gens ont accès. Avec ses différents niveaux de lecture, le livre retrace l’essence même de cette collaboration, soit une volonté de dialoguer et une invitation à redécouvrir notre lien avec la nature et à appréhender ses mystères. Il s‘agit d’une tentative d’entrevoir de nouvelles manières de contempler la nature, de la regarder et de la comprendre avec celles et ceux qui l’habitent.

Rendez-vous au printemps 2025 pour la sortie de Petit bois, un livre entre arts et sciences de Marianne Tricot, en collaboration avec le Laboratoire International de Recherche sur les Forêts Froides et la FERLD.

 

 


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