Atteindre des objectifs de production de bois tout en garantissant la durabilité de l’aménagement forestier est un défi constant de la foresterie. Une étude récente a cherché à étudier les effets de différentes intensités de récolte dans des peuplements de pins sur la perturbation du sol et la régénération forestière dans le cadre du système de coupe progressive régulière. Cette étude offre des perspectives qui pourraient aider à prendre des décisions sylvicoles éclairées.
Contexte et justification de l’étude
Dans les pinèdes, la coupe progressive régulière est un procédé de régénération qui implique l’abattage des arbres matures par étapes pour permettre à la lumière d’atteindre le sous-bois et ainsi, stimuler l’établissement et la croissance de la régénération tout en offrant une protection contre le charançon du pin blanc et la rouille vésiculeuse du pin blanc. Traditionnellement, ce procédé est apprécié pour son équilibre entre la production de bois et sa capacité à stimuler la régénération. Cependant, il y a des préoccupations concernant l’impact de la coupe sur le sol et la régénération, en particulier dans le contexte d’une mécanisation accrue et de son potentiel de dommages aux semis établis sous le couvert.
Notre recherche s’appuie sur des études antérieures, notamment menées en Suède, qui ont évalué les dommages à la régénération causés par l’équipement mécanique utilisé dans les coupes progressives. Notre but était d’élargir ces résultats en examinant une gamme plus large de conditions préalables à la coupe et en nous concentrant sur les essences et les types d’équipements typiques de l’est de l’Amérique du Nord. Nous nous sommes concentrés sur les coupes initiales du procédé de la coupe progressive.
Approche méthodologique
Nous avons sélectionné des parcelles à travers un gradient de conditions dans une expérience de coupe progressive établie à la Forêt expérimentale de Petawawa, située à Chalk River, en Ontario. Comme l’illustre le tableau 1, les parcelles couvraient un gradient de surface terrière. Elles étaient principalement composées de pins rouges matures avec jusqu’à un tiers de pins blancs. Avant la récolte, chaque parcelle présentait des densités élevées (> 10 000 tiges/ha) de régénération de pin blanc établie 15 ans plus tôt et cette régénération était bien distribuée dans l’espace (coefficient de distribution > 85 %). L’intensité de la récolte a varié d’une parcelle à l’autre, ce qui nous a permis d’observer comment la proportion de la surface terrière récoltée influence le sol et la régénération.
Pour quantifier les effets de la récolte sur le sol et la régénération, nous avons mené des inventaires avant la coupe et un an après la récolte. Nous avons notamment documenté la proportion de sol minéral exposé et des couches organiques perturbées, et inventorié la régénération en mesurant la composition en essences, la densité et les dommages causés aux semis.
Principaux résultats sur la perturbation du sol et la régénération
Nos données ont révélé une tendance claire : à mesure que l’intensité de la récolte augmente, la perturbation du sol s’intensifie également. Les sentiers de débardage sont les principaux responsables, modifiant significativement un peu plus de 40 % de la zone étudiée sous les scénarios de récolte les plus intensifs. Cette perturbation peut avoir des implications durables sur le succès de la régénération, notamment par la compaction.
La régénération du pin blanc a été notre point central en raison de son importance économique et écologique. Nous avons observé qu’un quart des arbres en régénération vivants après la récolte présente une forme de dommage. La fréquence des dommages n’est pas significativement influencée le taux de récolte. Toutefois, la distribution et la densité de la régénération après récolte diminuent avec l’intensité de la coupe. La plupart des pertes de régénération se produisent dans les sentiers de débardage. Une densité élevée de régénération avant la récolte aide à assurer que les objectifs de régénération soient atteints après la récolte.
Stratégies pour une récolte durable
Sur la base de nos travaux, nous proposons des stratégies visant à favoriser une régénération saine tout en atteignant les objectifs de récolte.
Évaluations préalables à la récolte
Comprendre les conditions initiales du peuplement est crucial. Celles-ci indiquent l’état de la régénération et fournissent une référence pour prédire l’impact des activités de récolte et élaborer des stratégies afin de protéger les zones vulnérables et les semis.
Planification de la récolte
La planification et la localisation des sentiers de débardage nécessitent une réflexion approfondie. Une planification stratégique peut réduire considérablement les perturbations du sol et l’étendue des zones affectées.
Protection du sous-étage
Protéger le sous-étage assure le maintien d’une régénération diverse et dense, essentielle pour la résilience de la forêt à la coupe.
Suivi après récolte
Suivre les effets de la récolte sur la régénération est essentiel. Ces informations alimentent le processus de planification, permettant une gestion adaptative.
Plantation sous couvert
Là où la régénération naturelle est insuffisante, la plantation peut contribuer au retour d’un peuplement productif et résilient. Ceci offre également l’opportunité d’introduire des essences et des génotypes adaptés aux conditions climatiques futures par le biais de la migration assistée.
Calendrier de récolte
Récolter en automne, lorsque la régénération est la plus visible, peut aider à réduire les bris à la régénération. À cette période de l’année, la régénération est également plus flexible qu’en hiver, lorsque les tiges gelées sont plus susceptibles de se briser.
Modification du système de récolte
L’utilisation d’approches telles que les systèmes par bois tronçonnés peut réduire l’impact sur le sol et la régénération établie.
Implications et orientations pour la recherche
Notre étude confirme que la prise en compte minutieuse de l’intensité de la récolte est essentielle pour maintenir la densité de la régénération et la qualité des sols. Ce n’est pas seulement la récolte en elle-même, mais aussi les activités associées, telles que le débardage, qui nécessitent d’être bien gérées. Notre étude avait des limites, notamment en ce qui concerne le nombre de parcelles et la gamme spécifique de conditions que nous avons pu tester. Nous suggérons que les recherches futures s’étendent pour étudier les relations complexes entre la taille de la régénération, les essences, les configurations d’équipement et les dommages à la régénération dans diverses conditions forestières.
Conclusion
Notre recherche souligne l’importance de pratiques forestières réfléchies et fondées sur la science qui permettent à la fois la production de bois et la régénération de peuplements sains et productifs. Elle appelle à une approche nuancée de la récolte qui tient compte de l’interaction entre la récolte et les caractéristiques du peuplement. Nos conclusions devraient aider à trouver un équilibre entre ces éléments.
En savoir plus
Consultez l’article scientifique complet disponible à l’adresse : https://pubs.cif-ifc.org/doi/abs/10.5558/tfc2023-011 - Thiffault, N., Hoepting, M., Marchand, M., Moulin, M., and Deighton, H. 2023. Eastern white pine regeneration abundance, stocking, and damage along a gradient of harvest intensity. The Forestry Chronicle 99(1): 92-102. doi: 10.5558/tfc2023-011.
Joingnez la personne-ressource du Centre canadien sur la fibre de bois, Anthony Bourgoin qui est coordonnateur de programmes et de projets forestiers, à l’adresse : fibrecentre@nrcan-rncan.gc.ca