Articles hiver 2024

La croissance des arbres : un équilibre entre la lumière, l'eau et la chaleur

L’arbre tient une place importante dans les écosystèmes naturels. Comme tous les végétaux, il est à la base des chaînes trophiques. C’est un organisme autotrophe, c’est-à-dire qu’il est capable de fabriquer de la matière organique pour survivre et croître. Cette capacité apporte néanmoins son lot de complications. Apprenons-en plus sur la photosynthèse, les facteurs qui la régulent et les adaptations des arbres.

Qu’est-ce que la photosynthèse?

La photosynthèse est un processus chimique qui permet de produire des composés organiques (des sucres, de la cellulose, de la lignine, etc.) à partir de dioxyde de carbone (CO2), d’eau, d’enzymes fabriquées par les végétaux et d’énergie lumineuse.  La photosynthèse n’est pas un phénomène qui s’effectue en continu. Elle nécessite différents éléments et lorsque l’un de ces éléments est indisponible, la photosynthèse cesse temporairement. 

 

La disponibilité de l’énergie lumineuse

La lumière est la première source de limitation. Évidemment, la photosynthèse ne peut s’opérer la nuit. Puis, le jour, elle nécessite un minimum d’énergie. Le Soleil fournit une quantité impressionnante d’énergie, mais 40 % des rayons sont réfléchis, 20 % sont absorbés par l’atmosphère et les nuages et 7 % sont dissipés. Seuls 33 % des rayons atteignent la surface, c’est ce qu’on appelle la lumière de plein jour. Enfin, 2 % de cette lumière de plein jour est nécessaire pour que la photosynthèse puisse s’opérer chez les espèces les plus tolérantes à l’ombre. Certains végétaux sont donc particulièrement performants, et ce, même sous certaines densités nuageuses ou végétales.

 

 

Plus une forêt est dense et diversifiée, plus la lumière sera interceptée par la végétation, laissant qu’une faible quantité de lumière atteindre le sol.  Par exemple, dans une forêt feuillue moyenne du Québec, seuls 5 à 40 % de l’énergie solaire de plein jour atteint le sous-bois en été. Pour une plantation de pins, c’est entre 10 et 15 % alors qu’en forêt tropicale, entre 0,25 et 2 % traversent la canopée.

Ce faible ensoleillement au sol est donc un défi pour les plantes basses ou les jeunes semis d’arbres. Par exemple, le hêtre à grandes feuilles est connu pour être une espèce très tolérante à l’ombre. Les semis de hêtre tolèrent de nombreuses années de suppression sous un couvert dense, voire jusqu’à 100 ans. Toutefois, c’est entre 20 et 45 % de pleine lumière que les semis de hêtre sont les plus compétitifs.  À l’opposé, le cerisier tardif est connu comme une espèce intolérante à l’ombre. La germination de ce cerisier est performante sous 50 à 70 % de lumière. 

 

Pourquoi les feuilles sont-elles vertes?

La lumière du soleil est un ensemble de rayons dont les longueurs d’onde varient entre 0 et 4 000 nm. Les humains sont capables de voir la lumière se situant entre 380 et 780 nm, c’est ce qu’on appelle le « visible ».  En bas de 380 nm, ce sont les ultraviolets et au-dessus de 780 nm, ce sont les infrarouges. 

Dans la nature, les végétaux et autres organismes photosynthétiques utilisent une gamme très variée de lumière (280 à 1420 nm), bien au-delà du visible. Toutefois, la chlorophylle, qui est responsable de la photosynthèse des plantes, utilise majoritairement certaines longueurs d’onde : 400 à 500 nm (violet, bleu, bleu vert) et 625 à 700 nm (rouge clair). Le vert et le jaune sont réfléchis. C’est pourquoi les feuilles nous apparaissent comme globalement vertes.

 

 

Le saviez-vous?

Certains arbres ont développé la capacité de faire de la photosynthèse dans d’autres parties que les feuilles. L’érable de Pennsylvanie en est un exemple. Son écorce contient des cellules photosynthétiques, c’est pourquoi il y a des zones verdâtres. Cela permet à ces érables de faire de la photosynthèse à des moments de l’année où les feuilles sont absentes.

 

 

La disponibilité de l’eau

L’eau est le deuxième facteur limitant la photosynthèse. Elle doit être disponible et l’arbre doit être capable de l’absorber et de la transporter à l’intérieur de lui. Le transport de cette eau est généré, en outre, par un phénomène important : la transpiration. C’est en définition une perte en eau par les structures aériennes de la plante. En fait, l’eau s’évapore par de petits trous à la surface des feuilles appelés stomates. Ces pertes en eau, combinées aux propriétés physiques de l’eau, créent le déplacement de la colonne d’eau comprise dans les vaisseaux, et ce, des racines jusqu’à la cime de l’arbre. 

 

Saviez-vous que 90 % de l’eau absorbée par les racines est évacuée par transpiration et que seuls 10 % sont utilisées pour la photosynthèse?

 

Lorsque l’eau devient limitante, une série de réactions s’opère chez les végétaux. Par ordre, ces réactions sont : 

  • Perte de turgescence (perte d’eau dans les cellules);

  • Flétrissement;

  • Arrêt de la croissance des cellules;

  • Fermeture des stomates;

  • Réduction de la photosynthèse;

  • Modification des processus métaboliques;

  • Mort de la plante.

Les stomates transpirent de l’eau, mais ils servent aussi à l’absorption du CO2 atmosphérique, élément nécessaire à la photosynthèse. Ils sont donc une voie à double sens. Si l’arbre ferme ses stomates pour éviter les pertes en eau, il doit rapidement cesser sa photosynthèse, dès que le CO2 contenu à l’intérieur de ses feuilles est épuisé. 

Sans photosynthèse, l’arbre n’est plus en mesure de fabriquer de nouveaux composés organiques. Il doit fonctionner avec ses réserves jusqu’à épuisement de celles-ci. 

 

La gestion de la température

La captation à la lumière et l’absorption de l’eau ne sont pas les seuls défis en lien avec la photosynthèse. Le refroidissement des structures aériennes en saison de croissance l’est tout autant, car certaines fonctions métaboliques s’arrêtent lorsque les feuilles deviennent trop chaudes. D’où vient cette chaleur? Près de 95 % de la lumière absorbée par les feuilles est transformée en chaleur. Bien que la densité de la végétation diminue exponentiellement la quantité de lumière qui pénètre à travers la canopée, la chaleur qui est induite par la lumière diminue bien moins rapidement en raison de l’action des infrarouges. Pour ces raisons, les arbres ont dû développer diverses stratégies de refroidissement, surtout pour les feuilles exposées en pleine lumière. 

La transpiration est le premier mécanisme. Comme l’eau est une substance ayant une chaleur spécifique élevée, c’est-à-dire qu’une grande quantité d’énergie est nécessaire pour faire varier l’eau d’un degré, son évaporation à la surface des feuilles absorbe une part importante de la chaleur des feuilles. Notons que le manque d’eau provoque la fermeture des stomates, l’arrêt de la transpiration et par conséquent, la perte temporaire de ce mécanisme de régulation de la température. 

Heureusement, la température des feuilles baisse aussi grâce à deux phénomènes physiques : la conduction et la convection. 

La conduction, dans le cas d’une feuille d’arbre, est un transfert de chaleur de la feuille vers l’atmosphère, et ce, à condition que la température de l’air soit plus faible que celle de la feuille. Plus la différence de température est grande, plus le transfert de chaleur est rapide. Puis, à mesure que l’air en périphérie de la feuille se réchauffe, la dissipation de chaleur ralentit. 

La convection est un transfert de chaleur dû à un mouvement de matière, soit à la circulation de l’air et au vent dans le cas des feuilles. Un mouvement d’air au travers de la canopée entraîne une part de la chaleur des feuilles en plus de faciliter la conduction en limitant la formation de zones de chaleur au pourtour des feuilles.  

De façon concrète, une canopée irrégulière favorise les mouvements de l’air à travers le couvert végétal et le refroidissement des feuilles en raison de tous les espaces où le vent peut s’infiltrer. Pensons aux érablières composées d’une variété d’espèces et de classes d’âge. Dans une canopée dense et régulière, telle une sapinière dont les arbres ont le même âge, le mouvement de l’air reste majoritairement en surface et ne s’infiltre que très peu en profondeur. Le refroidissement par convection est donc bien moins efficace dans ce type de forêt.  

 

 

Les feuilles d’ombre et de lumière

Certaines espèces d’arbres, tel l’érable à sucre, ont développé une adaptation particulière pour maximiser la photosynthèse et la dissipation de la chaleur. Il s’agit de la présence de feuilles d’ombre et de lumière. Tel que leur nom l’indique, les feuilles de lumière sont celles poussant en pleine lumière alors que les feuilles d’ombre croissent à la base de l’arbre ou des branches, soit dans des zones ombragées. 

Les feuilles d’ombre sont adaptées à faire un maximum de photosynthèse malgré un éclairage faible alors que les feuilles de lumière sont adaptées à profiter d’un éclairage maximal, à se protéger de la chaleur et à réduire les pertes en eau. Les feuilles de lumière sont plus épaisses, plus petites, plus dentelées ou lobées. La chlorophylle y est dense. Elles sont munies de davantage de poils et souvent plus pâles, afin de refléter la lumière. L’angle de la feuille (l’orientation du pétiole) est plus prononcé pour réduire l’exposition à la lumière, pour augmenter l’exposition au vent et pour accroître les pertes de chaleur par convection. 

 

 

La disponibilité en dioxyde de carbone

La disponibilité du CO2 n’est pas un facteur limitant en nature. Il est constamment disponible dans l’atmosphère. Au cours des 800 000 dernières années, la concentration du CO2 atmosphérique a oscillé entre 150 et 300 ppm. Depuis plus 300 ans, la concentration augmente constamment, passant de 276 ppm en 1720 à 417 ppm en 2022. Des études en laboratoire ont démontré qu’augmenter la concentration de CO2 de 300 à 2 400 ppm augmente la photosynthèse de 350 %. Il ne devrait donc pas y avoir de réduction de la photosynthèse due à ce facteur dans les décennies ou siècles à venir.

 


 

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