Articles hiver 2023

Sylviculture d'adaptation aux changements climatiques

Le projet Sylvi-CCC (pour sylviculture adaptée au réseau de connectivité dans un contexte de changements climatiques) est un travail de réflexion entre partenaires qui visent à trouver des solutions aux problèmes évolutifs que sont les effets des changements climatiques sur la santé des peuplements forestiers et le réseau de connectivité. Cet article vous présente les grandes lignes du projet. 

Contexte

En 2019, une première phase d’analyse géomatique a été réalisée pour le Centre-du-Québec sur la vulnérabilité, l’adaptation et le risque de déclin des peuplements forestiers face aux sécheresses futures. Cette phase 1, concrétisée sous ma direction à l’Agence forestière des Bois-Francs (AFBF), a réuni quelques collègues pour mettre en commun nos forces et produire les premières cartes d’analyse de la forêt du Centre-du-Québec. Elles sont maintenant une référence incontournable pour la région (voir le Progrès Forestier, printemps 2020). Le projet Sylvi-CCC s’inscrit dans ce cadre et propose une phase 2 de réflexion vers l’adaptation des forêts face aux changements climatiques en réunissant plusieurs partenaires du Conseil régional de l’environnement du Centre-du-Québec (CRECQ). Ainsi, avec ces gens formidables, je dirige la rédaction d’un deuxième guide axé sur les solutions sylvicoles pour la mise en valeur des peuplements les plus à risque de déclin. Ces options seront véhiculées par plusieurs moyens, dont des ateliers de formation et de réflexion pour les professionnels de la forêt et les biologistes, afin de les aider dans le transfert de connaissances auprès des propriétaires.

 

UN PEU DE SCIENCE

Les scientifiques experts du monde en matière de changements climatiques ont défini différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre. Les scénarios se distinguent par leurs conséquences sur la température planétaire future et évoluent dans le temps. Le scénario représenté par la courbe de couleur rouge de la figure 1 (RCP 8,5) est celui qui propose un effet de l’augmentation du gaz carbonique (CO2) très élevé sur la température planétaire (jusqu’à 5,4 °C). Le scénario RCP 8,5 est basé sur l’hypothèse que la consommation d’énergie fossile grandira encore pour un moment en fonction de la croissance de la population et qu’une utilisation accrue des terres pour l’agriculture et le pâturage intensif sera nécessaire aux dépens d’une diminution de la superficie globale des forêts. 

À l’opposé, celui représenté par la courbe de couleur jaune (RCP 4,5) propose une diminution drastique de la température vers l’année 2050. Le scénario RCP 4,5 considère dans ses calculs l’hypothèse que des actions politiques, technologiques, démographiques et écologiques pour atténuer les gaz à effet de serre seraient prises immédiatement.

 

 

 

LES PREMIERS CONSTATS

La carte du risque de déclin prématuré des peuplements du Centre-du-Québec (version 1.0) a été illustrée en 7 paliers d’importance du risque (figure 2). À partir de cet outil géomatique, il est possible d’en tirer quelques conclusions sur la situation. Nous pouvons apercevoir qu’un cinquième des forêts (21 %) a un risque très élevé à urgent de déclin prématuré face aux futures sécheresses d’ici 2050. Il est aussi possible de constater que le risque est concentré davantage vers l’ouest de la région (voir le détail dans le guide de la phase 1 de l’AFBF). Afin de visualiser le risque de déclin prématuré sur le réseau de connectivité développé par le CRECQ, nous avons superposé les 21 noyaux de conservation. Nous constatons que trois d’entre eux, principalement situés dans l’ouest de la région, possèdent 50 % de leur couvert forestier dans la zone à haut risque de déclin prématuré. Néanmoins, certains noyaux ont des zones plus restreintes à haut risque, mais tout aussi importantes dans la démarche de mise en valeur.

 

 

Lorsque nous regardons les résultats géomatiques des entités sylvicoles du territoire, ils dévoilent que les érablières rouges seront plus lourdement touchées par la combinaison des sécheresses plus récurrentes et de la faible capacité du sol à retenir l’eau. Nous parlons surtout des érablières rouges sur sable subhydrique de la plaine du Saint-Laurent. Cela entraîne de grandes superficies, environ 37 000 ha, à haut risque de déclin prématuré. Il devient donc très important de produire des scénarios sylvicoles adaptés à ces projections. Il y aurait un peu plus de 3 000 ha d’érablière à sucre à risque de déclin urgent et très élevé. Considérant que cela puisse toucher quelques centaines d’acériculteurs(-trices) de la région,  nous estimons ces peuplements prioritaires. Les plantations résineuses semblent plutôt protégées sur notre territoire, puisque la mise en terre de plants a été effectuée principalement dans les contreforts des Appalaches qui sont plus à l’abri de cette exposition climatique et édaphique. Toutefois, celles sur sable subhydrique des plaines du Saint-Laurent, dans l’ouest de la région, sont à haut risque comme certaines érablières.

À la lumière de ces constats, il est impératif de trouver des solutions sylvicoles d’adaptation pour maintenir la santé de ces peuplements devant des changements rapides du climat anticipés.

 

LES SCÉNARIOS SYLVICOLES

Les scénarios sont orientés vers deux intentions sylvicoles que sont la production de bois et le maintien du réseau de connectivité. Ils sont construits sur la base de trois stratégies d’adaptation véhiculées par nos chercheurs sur le comité scientifique du projet. Ces stratégies consistent à viser soit la résistance, la résilience ou encore la transition du peuplement. Ces stratégies sont très bien expliquées par Nelson Thiffault dans notre capsule Web.

 

Voyons un résumé des stratégies : 

 

Stratégie de résistance

L’objectif visé pour une résistance accrue du peuplement est de conserver la composition initiale après traitements. Cela peut représenter des investissements importants si le peuplement est en zone d’exposition terrain et/ou climatique élevée.

 

Stratégie de résilience

L’objectif visé pour une résilience accrue est d’optimiser la croissance de la régénération naturelle ou enrichie vers une diversité d’espèces plus adaptées, tout en conservant une certaine composition initiale après traitements.

 

Stratégie de transition

L’objectif est d’aider artificiellement l’écosystème à transiter vers un nouveau peuplement ayant un couvert forestier mieux adapté au nouveau climat. Cela peut représenter des défis d’approvisionnement en espèces de plants ayant un génotype plus adapté.

 

 

 

Les échanges de connaissances entre partenaires du domaine de la biologie, de la recherche et de la foresterie sont d’une richesse inestimable. Nous sommes impatients de pouvoir vous les présenter en début d’été et de vous rencontrer lors des ateliers prévus à ce sujet.

 

 

Remerciements

Le CRECQ tient à remercier les partenaires du projet Sylvi-CCC. Les membres du comité aviseur ont supervisé les orientations du projet dans le respect des décisions de tous les comités : Guy Larochelle (AFBF), Andréanne Blais (CRECQ), Virginie D’Halluin (GFAD), Nicolas Pinceloup (GCNWA) et Vincent Rainville (MRNF).

Le comité technique s’est occupé de la création et de la schématisation des scénarios sylvicoles : Carine Annecou (CRECQ), Jean-Pierre Faucher (AMVAP), Alexandre Guay-Picard (MRNF), Patrick Lupien (SPBM-CDQ), Jonathan Lasnier (GFA) et Marie-Christine Poisson (CRECQ).

Puis, le comité de consultation a participé à la planification et à la révision des outils sylvicoles développés : Isabelle Aubin (SFC), Nelson Thiffault (SFC), Laura Boisvert-Marsch (SFC), Dominique Gravel (USherbrooke), Sylvain Duchesneau (LaForêt) et Lise Beauséjour (AMFE).

 


En savoir plus 

Visitez le site Internet du CRECQ pour en savoir plus sur le projet Sylvi-CCC et pour voir la vidéo explicative des stratégies d’adaptation : www.crecq.qc.ca/sylvi-ccc

Voyez le guide produit suite à la phase 1 sur le site Internet de l’Agence forestière des Bois-Francs : www.afbf.qc.ca/documentation

 

 

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