La lutte contre l’agrile du frêne est une course contre la montre pour sauver le plus de frênes possible. GDG Environnement a mené des recherches dès 2016 sur un champignon entomopathogène découvert au Québec qui permet de réduire de 40 % les populations d’agrile adulte. Depuis mars 2022, le champignon, sous la marque de commerce FraxiProtecMD, a été officiellement homologué par Santé Canada et est disponible à la grandeur du Canada.
Problématique de l’agrile du frêne
L’agrile du frêne (Agrilus planipennis) est une espèce envahissante native du nord-est de l’Asie qui a été découverte au Michigan et en Ontario en 2002. Sous sa forme adulte, il mesure en moyenne 1 cm de long et se distingue par sa couleur vert métallique. La larve de ce coléoptère se développe et se nourrit du cambium (sous l’écorce) des frênes en creusant des galeries qui, en peu de temps, affectent le transport de l’eau et des nutriments du frêne infecté. Toutes les essences de frêne nord-américaines sont susceptibles à l’agrile du frêne et ont peu ou pas de moyens de défenses naturelles contre cet envahisseur. De plus, l’agrile du frêne a très peu d’ennemis naturels importants en Amérique du Nord. Une seule femelle peut pondre jusqu’à 100 œufs alors, avec quelques femelles et sans intervention humaine, la population peut croître de manière exponentielle en quelques années seulement. Sa détection n’est pas aisée. Les principaux symptômes, tels que des fissures sur l’écorce, un éclaircissement de la cime ou des pousses adventives, ne sont visibles que lorsque le frêne est bien attaqué par l’agrile.
Jusqu’à maintenant, l’agrile du frêne a été détecté dans 36 états américains et cinq provinces canadiennes. L’insecte a récemment été détecté en 2022 à Carleton-sur-Mer en Gaspésie et à Forest Grove en Oregon (première détection à l’ouest des Rocheuses). Bien que l’insecte se déplace sur quelques kilomètres au cours de sa vie adulte, la principale cause de sa propagation si rapide est le déplacement de bois de frênes infectés.
Solutions existantes
Plusieurs efforts sont déployés pour ralentir sa propagation, tels que des zones de quarantaines (ou zones réglementées) instaurées par les gouvernements canadien et américain. Au Canada, c’est l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) qui gère les zones de quarantaine et la réglementation sur le déplacement des produits de frêne.
La lutte contre l’agrile du frêne est une course contre la montre pour sauver le plus de frênes possible, d’où l’importance de trouver des méthodes de contrôle efficaces et sans danger pour l’environnement. L’un des rares moyens de lutte présent sur le marché est l’utilisation d’un larvicide systémique injectable dans le tronc du frêne. Ce traitement est efficace, mais il doit être répété aux deux ans et il cause des blessures au tronc. Une des méthodes à l’étude est l’introduction de guêpes parasitoïdes originaires d’Asie (qui ne piquent pas l’humain). Quelques espèces ont été introduites dans certains secteurs aux États-Unis et au Canada, et une partie d’entre elles ont réussi à s’établir. Les études se poursuivent pour connaître leur impact sur les populations d’agrile du frêne en Amérique du Nord.
Une autre avenue à l’étude concerne les champignons entomopathogènes, communément utilisés contre des ravageurs agricoles et forestiers. L’un de ces champignons est le Beauveria bassiana (souche CFL-A). Il a été découvert, étudié et développé par des chercheurs de l’INRS – Institut Armand-Frappier et de Ressources naturelles Canada – Centre de foresterie des Laurentides. Ces chercheurs ont mis au point un dispositif expérimental d’autodissémination composé d’un piège de type Lindgren (série de plusieurs entonnoirs) et d’une chambre de contamination à la base contenant le FraxiProtecMD (une pochette contenant le champignon Beauveria bassiana CFL-A) (Photo 1). GDG Environnement a conclu un partenariat en 2016 avec ces institutions de recherche afin de tester l’efficacité du FraxiProtecMD autant au Canada qu’aux États-Unis dans le but de commercialiser cette innovation. Depuis mars 2022, le FraxiProtecMD a été officiellement homologué par Santé Canada et est accessible à la grandeur du Canada.
Fonctionnement du FraxiProtecMD
D’abord, la forme et la couleur du piège Lindgren attirent les agriles adultes et ils tombent dans les entonnoirs jusque dans la chambre de contamination. L’agrile tombe sur la pochette contenant le champignon et s’autocontamine. L’adulte peut quitter le dispositif d’autodissémination et contaminer d’autres agriles présents sur l’arbre. La spore de Beauveria bassiana CFL-A, lorsqu’elle adhère à la cuticule de l’insecte, va germer et pénétrer à l’intérieur de l’insecte puis proliférer jusqu’à causer sa mort environ 5 jours plus tard. Le dispositif d’autodissémination permet d’exposer uniquement les agriles adultes au champignon et de leur administrer une dose létale de ce pathogène. Dès que le champignon touche à l’agrile, sa mort est assurée à 100 %. Les stratégies proposées avec le FraxiProtecMD sont de contrôler de manière préventive les populations d’agrile afin de protéger les frênes où l’agrile est peu présent et de traiter les frênes étant déjà modérément affectés par l’agrile.
Développement du FraxiProtecMD et principaux résultats
De 2016 à 2021, GDG Environnement a entrepris des tests expérimentaux du FraxiProtecMD sur des frênes publics de différentes municipalités au Canada et aux États-Unis dans le but d’en prouver l’efficacité pour contrôler les populations d’agrile du frêne (preuve d’efficacité exigée par Santé Canada).
Chaque année, des protocoles expérimentaux ont été installés dans des groupes de frênes publics municipaux pendant la période de l’émergence de l’agrile (mi-juin à fin-juillet). Ces groupes étaient composés de 15 frênes distancés d’environ 25 mètres. Chaque frêne a eu un FraxiProtecMD et un piège prisme de capture avec des attractifs. Des groupes de frênes témoins ont également été sélectionnés où chaque frêne avait un piège prisme de capture avec des attractifs. Tous les pièges ont été installés du côté sud de la canopée dans le tiers supérieur de la hauteur de l’arbre pour infecter et capturer le plus d’agriles possible pendant la période de vol des adultes.
Chaque semaine, pendant 4 semaines, les agriles ont été récoltés individuellement sur les pièges prismes afin de faire le suivi des populations d’agrile et de les faire analyser au laboratoire pour déterminer s’ils ont été infectés par le champignon Beauveria bassiana CFL-A (analyse de détection fongique). Avec ces résultats, le pourcentage d’agriles infectés a pu être mesuré. Durant ces expériences, l’état de santé général des frênes témoins et traités a été mesuré afin de suivre l’évolution de leur santé au fil des années.
D’une année à l’autre, le pourcentage moyen d’infection se maintient entre 35 et 45 %. Sachant qu’en l’absence de traitement, le taux de mortalité naturel des agriles adultes est d’environ 5 %, l’impact du FraxiProtecMD sur les populations d’agrile est considérable.
L’un des moyens de mesurer l’impact du traitement avec le FraxiProtecMD est de comparer la population d’agrile adulte (quantité d’agriles récoltée dans les pièges prismes) entre les sites témoins et les sites traités après un certain nombre d’années de traitement. Entre 2017 et 2019, l’accroissement moyen de la population d’agrile adulte entre les frênes traités et témoins est significativement différent (Figure 1). La population d’agrile dans les sites témoins augmente plus rapidement de 40 % que dans les sites traités avec le FraxiProtecMD. Autrement dit, le FraxiProtecMD ralentit de 40 % l’accroissement de la population d’agrile en deux ans.
La densité de FraxiProtecMD installée dans les sites traités a été mesurée afin de vérifier quelle était la quantité de FraxiProtecMD recommandée pour une surface donnée dans le but d’obtenir le pourcentage d’infection moyen de tous les sites traités chaque année, soit 40 % d’agriles infectés. Grâce aux données de 2017 à 2020, il faut déployer en moyenne 20 FraxiProtecMD sur une superficie de 1 hectare pour obtenir 40 % d’agriles infectés (Figure 2).
Afin de mesurer l’impact du traitement avec le FraxiProtecMD sur la population d’agrile et sur l’état de santé des frênes, donc sur leur survie, une étude a été menée dans un parc de Candiac de 2017 à 2019. Les frênes étaient naturellement regroupés dans deux secteurs distancés de 300 mètres et tous ces frênes comportaient les mêmes caractéristiques (diamètre, pourcentage de défoliation, quantité d’agriles, etc.). L’un des groupes a été sélectionné comme protocole témoin, où 15 frênes ont eu dans leur canopée un prisme de capture. L’autre groupe a été sélectionné comme protocole de traitement où 15 frênes ont eu un FraxiProtecMD et un prisme de capture. Après trois ans, le site avec les FraxiProtecMD a eu un ralentissement de l’accroissement de la population d’agrile de 78,3 %, diminuant considérablement la pression des attaques de l’agrile sur les frênes traités.
En plus, l’état de santé des frênes des deux sites a été mesuré durant ces trois années d’étude, dont le pourcentage de défoliation qui est l’un des indicateurs de la santé générale des arbres et un indice indirect de la pression exercée par l’agrile sur la santé des frênes. En trois ans de traitement, les frênes du site avec les FraxiProtecMD ont eu une réduction significative de leur taux de dépérissement de 79,1 % comparativement aux frênes du site témoin (Figure 3).
Grâce au FraxiProtecMD, la réduction majeure de l’accroissement de population d’agrile a permis aux frênes de mieux supporter les attaques répétées de l’agrile en trois ans, ce qui s’est reflété dans la quantité de feuilles produites dans leur canopée, prolongeant ainsi leur survie.
En conclusion, le FraxiProtecMD est le résultat de plusieurs années d’étude scientifique soutenue afin de démontrer son efficacité et l’absence de danger pour l’environnement dans une course contre la montre où l’agrile du frêne poursuivait rapidement sa progression au Canada. L’obtention de son homologation donne de l’espoir aux arboriculteurs, aux biologistes et aux amoureux des arbres, car le frêne doit être préservé dû à sa grande valeur dans nos municipalités et nos boisés.
En savoir plus
Pour plus d’informations sur le FraxiProtecMD, visitez le site Internet : www.fraxiprotec.com
Pour toutes questions complémentaires, communiquez avec l’auteur à l’adresse : marieeve.lajoie@kersia-group.com