L’aménagement des érablières de structure inéquienne situées près de la limite nordique de leur aire de distribution est souvent réalisé en fonction d’un objectif de production de bois, privilégiant la récolte d’arbres de qualité supérieure afin de couvrir les frais importants de voirie forestière et de transport des bois. Cependant, la qualité de ces arbres matures n’est pas bien connue, de même que la manière dont la qualité peut varier en fonction du traitement sylvicole, en particulier dans les conditions nordiques. Une étude a ainsi été réalisée afin de remédier au manque de connaissances à ce sujet.
L’objectif de cette étude était de décrire la variation de la qualité de la bille de pied, soit les cinq premiers mètres des érables ayant un potentiel de sciage de haute qualité (diamètre > 33 cm) en fonction de variables climatiques, géographiques ou pédologiques, et d’évaluer les effets d’un premier cycle de coupe de jardinage sur cette qualité. Treize blocs expérimentaux, chacun composé d’une placette traitée par coupe de jardinage et d’une placette témoin sans intervention (0,5 à 1 ha chacune), ont été sélectionnés parmi un réseau de blocs expérimentaux établis de 1984 à 2005 dans des érablières de structure inéquienne du Québec. Ces blocs ont été sélectionnés, car leur historique d’intervention et leurs caractéristiques dendrométriques indiquaient que probablement aucune forte perturbation anthropique avant la coupe de jardinage ni écrémage de l’érable à sucre n’avait eu lieu par le passé.
Un potentiel de sciage qui augmente selon la qualité de la bille de pied
Entre la 10e et la 25e année suivant une première coupe de jardinage, les érables ont été classés pour la qualité de leur bille de pied. Les arbres ayant un potentiel de sciage de haute qualité sont ceux dont la bille de pied est de qualité B ou meilleure. Ce potentiel a été évalué par la proportion des érables d’un diamètre supérieur à 33 cm dont la bille de pied était classée B ou meilleure. Cet indicateur a été mis en relation avec plusieurs variables climatiques, géographiques et pédologiques afin d’identifier les sources de variations dans la province.
Les érables seraient-ils frileux?
La température annuelle normale (de 1,7 à 4,1 °C) était la variable la plus importante. Elle expliquait les différences dans la proportion d’arbres de qualité supérieure, avec un gain de 16 % associé à chaque augmentation de 1 °C. Ainsi, seulement 35 % des érables avaient le potentiel de produire des sciages de haute qualité sur les sites les plus froids, comparativement à plus de 60 % sur les sites les plus chauds. La forêt de Gatineau était un cas particulier; peut-être avions-nous sous-estimé la possibilité d’un écrémage par le passé. Ce site est aussi l’un des plus chauds et secs parmi ceux à l’étude, de même que l’un des plus affectés par le perceur de l’érable et par le verglas de 1998. Finalement, la pratique d’une première coupe de jardinage était associée à un gain moyen de 11 % de la proportion d’érables de qualité supérieure. Ce résultat indique que des pratiques sylvicoles axées sur une rétention des arbres les plus vigoureux et présentant le meilleur potentiel pour le bois d’œuvre dans les petits et moyens diamètres (10-28 cm) pourraient probablement améliorer cette proportion dans les décennies à venir.
Implications sylvicoles
Les résultats de l’étude démontrent que le potentiel de l’érable à sucre à produire des arbres de sciage de haute qualité diminue aux endroits les plus frais. De plus, la coupe de jardinage et les coupes partielles apparentées présentent le potentiel d’augmenter la proportion des érables sur pied de qualité dans les peuplements. D’autres résultats récents ou en cours d’analyse indiquent également qu’aux endroits plus frais la qualité interne (carie, coloration) de l’érable à sucre diminue aussi. Une question demeure, soit l’effet potentiel des changements climatiques sur l’amélioration de la qualité à long terme de l’érable à sucre aux endroits les plus frais. Même si tous les processus impliqués dans la production d’érable de qualité ne sont pas encore bien compris, de meilleures conditions de croissance pour les arbres à fort potentiel de production de bois d’œuvre pourraient être favorables à très long terme.
En savoir plus
Consultez l’article complet à l’adresse suivante : https://academic.oup.com/forestscience/article/65/4/411/5475634 ou encore l’avis de recherche forestière « Classer la qualité des arbres feuillus sur pied pour mieux estimer les volumes par produit et la valeur des peuplements » https://mffp.gouv.qc.ca/documents/forets/recherche/Avis108.pdf, ainsi que l’avis technique « Qualité de l’érable à sucre dans l’unité d’aménagement 064-71 » https://mffp.gouv.qc.ca/documents/forets/recherche/AT_SSRF-22.pdf