À l’été 2023, 327 reboiseurs, débroussailleurs et abatteurs manuels ont répondu à un sondage en ligne de ForêtCompétences dont les objectifs étaient d’établir le profil de ces travailleurs et d’approfondir notre connaissance d’un sous-groupe de travailleur plus méconnu, soit celui des travailleurs nés à l’extérieur du Canada, qui sont de plus en plus présents dans le secteur des travaux sylvicoles. L’étude visait également à identifier les facteurs d’attraction, de rétention, de satisfaction et d’insatisfaction des travailleurs manuels par rapport à leur emploi et la vision de leur avenir dans le secteur. Nous vous présentons dans cet article quelques faits saillants du rapport de cette étude.
PROFIL DES TRAVAILLEURS FORESTIERS MANUELS
Les travailleurs manuels sont composés très majoritairement d’hommes. Toutefois, près du quart (23 %) des reboiseurs sont des femmes. Les débroussailleurs sont plus âgés, près du tiers (31 %) ayant 55 ans et plus, alors que les reboiseurs sont beaucoup plus jeunes, près des trois quarts (72 %) ayant moins de 35 ans. D’ailleurs, 29 % des reboiseurs sont des étudiants exerçant ce métier comme travail d’été durant leurs études.
Une très grande majorité de reboiseurs sont des travailleurs salariés (96 %) alors que 20 % des répondants débroussailleurs sont des travailleurs incorporés. Autre fait intéressant, les trois principales régions où habitent les travailleurs forestiers manuels sont dans l’ordre : le Bas-Saint-Laurent, le Saguenay-Lac-Saint-Jean et… Montréal!
Cette situation s’explique par le fait que 40 % des travailleurs nés à l’extérieur du Canada habitent dans la grande région de Montréal et vont travailler en région pendant la saison de travail. Il s’agit d’une main-d’oeuvre très mobile. Les travailleurs immigrants représentent d’ailleurs plus d’un travailleur sur quatre dans les métiers de reboiseurs et de débroussailleurs (26 %), mais ils sont presque absents chez les abatteurs manuels (3 %). Ceux-ci sont principalement originaires de l’Afrique centrale (52 %), de l’Europe (26 %), du nord de l’Afrique et de l’Afrique de l’ouest (17 %).
En ce qui concerne l’estimation de leur salaire horaire par les travailleurs interrogés, on constate que ceux-ci sont très variés, allant de moins de 20 $ de l’heure à plus de 60 $ de l’heure. La majorité (57 %) estime gagner entre 20 et 40 $/h. Fait intéressant, on constate que le salaire horaire estimé est le plus faible chez les répondants ayant un an et moins d’expérience dans le métier et ceux ayant 35 ans et plus d’expérience. Un constat similaire peut être fait en analysant le salaire horaire en fonction de l’âge des répondants. Ainsi, la proportion de répondants ayant un salaire horaire estimé de plus de 50 $/h augmente avec l’âge, jusqu’à 55 ans, après quoi, cette proportion diminue drastiquement. Comme les travailleurs forestiers sont en majorité payés selon leur productivité, il est normal d’observer que les répondants ayant moins d’un an d’expérience ont un salaire horaire estimé plus faible. De plus, comme le travail est très physique, une diminution de la productivité peut s’observer en fin de carrière.
Pour ce qui est de la rémunération globale, on constate que les répondants débroussailleurs reçoivent de la part de leur employeur plus d’avantages sociaux, tels que des congés de maladie, des congés mobiles, des régimes de retraite et des formations payés, tandis que les reboiseurs sont plus nombreux à recevoir de l’équipement de travail payé et le transport payé par l’employeur vers le lieu de travail, que ce soit en fournissant un véhicule, un transport collectif ou en payant les frais d’essence du véhicule.
Une fois la saison de travail terminée, 53 % des répondants utilisent les prestations d’assurance-emploi alors que 43 % des répondants affirment demeurer sur le marché du travail, soit en travaillant dans la même entreprise dans un autre poste, soit pour une autre entreprise ou encore à leur compte.
Les travailleurs forestiers manuels sont également très fidèles à leur employeur, 90 % d’entre eux ayant mentionné retourner travailler pour le même employeur chaque année.
LES PRINCIPALES MOTIVATIONS À OCCUPER LEUR EMPLOI
Les travailleurs sondés ont dû sélectionner, parmi une liste de choix, les deux principales raisons qui les motivent à exercer leur emploi (Figure 1).
Fait intéressant, la saisonnalité du travail/le nombre de semaines de travail dans l’année a été mentionné par 16 % des répondants comme étant l’une des deux raisons principales d’exercer leur métier. Pour les reboiseurs, c’est même 20 % des répondants qui ont choisi cet élément. Un élément distinctif des travailleurs nés à l’extérieur du Canada au niveau de leur motivation à exercer le métier concerne la contribution à la protection de l’environnement. Plus d’un travailleur immigrant sur quatre (27 %) a mentionné cet élément comme une raison principale d’exercer leur métier, comparativement à seulement 4 % pour les travailleurs nés au Canada.
LES MOYENS DE RECRUTEMENT DES TRAVAILLEURS
Pour près du trois quarts des répondants (72 %), c’est par la famille et les amis qu’ils ont entendu parler du secteur forestier et des opportunités d’emplois. C’est donc dire que le bon vieux bouche-à-oreille est encore le moyen principal pour faire connaître le secteur et recruter, peu importe le métier ou l’origine des travailleurs (né au Canada ou à l’extérieur).
LE NIVEAU DE SATISFACTION EN LIEN AVEC L’EMPLOI
Globalement, les travailleurs manuels sont satisfaits de leurs conditions de travail, 83 % des répondants ayant mentionné être très satisfaits et plutôt satisfaits. Parmi les différents éléments en lien avec leurs conditions de travail, la Figure 2 présente ceux ayant obtenu les pourcentages de satisfaction les plus élevés.
Bien que la majorité des travailleurs demeurent quand même satisfaits de tous les éléments sur lesquels nous les avons sondés, les éléments liés aux avantages sociaux et à la rémunération ont obtenu un plus grand taux d’insatisfaction. Ainsi, le tiers des travailleurs est insatisfait des avantages sociaux reçus de leur employeur (33 %). Près d’un travailleur sur quatre est insatisfait du salaire et de la prise en charge de certaines dépenses par l’employeur comme le transport, l’équipement de travail, etc. (23 %) et un travailleur sur cinq est insatisfait du transport pour se rendre au lieu de travail (21 %).
Les travailleurs nés à l’extérieur du Canada sont globalement plus satisfaits de leurs conditions de travail dans l’ensemble. En effet, 50 % des travailleurs immigrants se disent très satisfaits comparativement à 23 % pour les travailleurs nés au Canada. Ce constat est également vrai pour tous les éléments sur lesquels nous les avons sondés. Que ce soit au niveau de leurs conditions de travail, du milieu de travail, de leurs relations de travail, de leur bien-être au travail, ils sont beaucoup plus nombreux à être très satisfaits et moins nombreux à être très insatisfaits.
Un seul élément fait exception aux autres, soit la qualité des repas fournis en camp forestier pour lequel 23 % des travailleurs immigrants sont insatisfaits comparativement à 9 % pour les travailleurs nés au Canada.
Les travailleurs immigrants semblent également se sentir très bien accueillis et intégrés dans leur milieu de travail. On observe même que ceux-ci ont une perception plus favorable de l’accueil qui est fait aux communautés culturelles et aux immigrants que les travailleurs nés au Canada (Figure 3).
LES BESOINS ET LES ATTENTES DES TRAVAILLEURS
Les travailleurs sondés ont dû choisir, parmi une liste d’éléments, les trois éléments qu’ils souhaiteraient obtenir en priorité pour améliorer leurs conditions de travail.
Peu importe le métier ou l’origine des travailleurs, l’amélioration du salaire est la priorité numéro 1 (Figure 4). Plus de 135 travailleurs ont soumis des commentaires en lien avec le salaire expliquant que les taux à l’hectare et les salaires à l’arbre n’ont pas suivi le coût de la vie et que les prix donnés ne reflètent pas la qualité des terrains, ce qui rend le salaire incertain et variable.
Parmi les éléments priorisés par les travailleurs excluant le salaire, on voit certaines différences en fonction du métier exercé. Près de 40 % des débroussailleurs souhaiteraient avoir le kilométrage ou l’essence pour leur véhicule payé, alors que chez les reboiseurs, c’est plutôt le temps de transport rémunéré qui vient en second, identifié par près du tiers d’entre eux (32 %). Pour les abatteurs manuels, c’est une prime de polyvalence qui est priorisée en deuxième place (27 %). Autre différence notable, les assurances collectives sont priorisées par plus d’un reboiseur sur cinq (22 %) alors que cet élément est priorisé par seulement 9 % des débroussailleurs. Pourtant, le pourcentage de répondants débroussailleurs et reboiseurs qui reçoivent actuellement des assurances collectives sont très similaires (respectivement 7 % et 5%).
VISION DE LEUR AVENIR DANS LE SECTEUR
Plus de 80 % des répondants prévoient revenir travailler dans le secteur l’an prochain et parmi ceux-ci, 85 % veulent travailler pour la même entreprise (Figure 5).
Dans un horizon de 5 ans, près des deux tiers des répondants (65 %) prévoient encore travailler dans le secteur forestier et plus de la moitié d’entre eux (52 %) se voient travailler pour la même entreprise. Il y a donc une perspective de carrière au sein de leur entreprise. Un peu moins du tiers des abatteurs manuels sondés envisagent de lancer leur propre entreprise (32 %). On observe également qu’environ un travailleur sur dix (11 %) prévoit travailler dans un autre secteur d’activité dans 5 ans.
PISTES D’ACTIONS
À la lumière de ces résultats, nous pouvons faire un certain nombre de constats intéressants qui nous permettent de proposer des pistes d’actions qui pourraient être mises en place pour faciliter la rétention et le recrutement des travailleurs forestiers manuels.
Pour les employeurs, la rétention de leurs bons employés actuels devrait toujours être leur priorité numéro 1! Cette piste d’action peut paraître banale, mais dans le feu de l’action, on voit souvent les employeurs faire l’inverse en investissant beaucoup de temps, d’énergie et de ressources lorsqu’ils doivent recruter de nouveaux travailleurs, alors que rien n’est mis en place pour conserver les employés actuels. L’étude montre que la fidélité des travailleurs manuels envers leur employeur est très présente dans notre secteur d’activité. Misez sur cette force en mettant en place différentes stratégies pour reconnaître et encourager encore davantage la fidélité de vos employés, que ce soit par la remise de bonus de fidélité, par l’organisation d’événements spéciaux visant la reconnaissance des employés, la remise de prix, etc. ou encore plus simplement, prendre le temps de s’informer de comment ils vont et leur verbaliser votre reconnaissance pour leur travail.
Miser sur les aspects positifs du métier et déjà appréciés des travailleurs en offrant encore plus de flexibilité et en s’adaptant aux besoins de chacun représente une autre avenue prometteuse. Les horaires de travail et la conciliation travail-vie personnelle sont parmi les aspects les plus appréciés des travailleurs par rapport à leurs conditions de travail. Pourquoi ne pas permettre encore plus de flexibilité en offrant la possibilité de choisir son horaire? Permettre aux étudiants reboiseurs de prendre des semaines de vacances durant l’été?
Le nombre de semaines travaillées et donc, la saisonnalité du métier, est également ressorti comme un aspect très apprécié des travailleurs. Le travail saisonnier permet d’avoir plusieurs semaines consécutives après la saison pour poursuivre d’autres occupations. Encore ici, être flexible et s’adapter aux besoins de chacun de vos travailleurs. Si vous avez des travailleurs qui souhaitent occuper un autre emploi hors saison, montrer de la flexibilité pour l’aider à concilier les deux, et même s’impliquer activement dans des projets de maillage d’emploi avec d’autres employeurs pour offrir des options à vos travailleurs qui souhaitent travailler à l’année.
L’ambiance et les relations de travail étaient également dans le top 5 des éléments les plus appréciés des travailleurs, alors pourquoi ne pas renforcir cet aspect en organisant des activités spéciales de groupe au camp le soir pour les travailleurs hébergés? Créez des occasions de fraterniser en renforçant le sentiment d’appartenance !
Le bouche-à-oreille étant encore un moyen efficace de recruter, faites de vos employés actuels des ambassadeurs de votre entreprise. Des employés heureux sont des employés qui parlent en bien de vous! Si vous mettez du temps et de l’énergie sur la rétention de vos employés, ce sera également payant pour le recrutement! Que ce soit par la mise en place de prime au référencement, de cibler des travailleurs qui pourraient développer du contenu sur les réseaux sociaux pour améliorer votre visibilité, les possibilités sont infinies! Ce ne sont là que quelques-unes des pistes d’actions qui sont présentées dans l’étude!
EN SAVOIR PLUS
Consultez le rapport complet de l’étude : https://foretcompetences.ca/uploads/etude-travailleurs-manuels-rapport-vf.pdf
ou écoutez en rediffusion notre webinaire présentant les faits saillants : https://www.youtube.com/watch?v=4tY8v7fIohs