Articles automne 2023

La rainette faux-grillon : une espèce vulnérable de nos forêts

L’Agence forestière de la Montérégie, en partenariat avec de nombreuses personnes et organismes, a rédigé une série de fiches sur des espèces menacées, vulnérables ou susceptibles de l’être qui poussent ou vivent dans les forêts du sud du Québec. Dans cet article, vous découvrirez un exemple de ces fiches, celui de la rainette faux-grillon. Puis, vous en apprendrez plus sur l’ensemble des fiches et sur les outils qui s’offrent à vous. 

État de la rainette faux-grillon

Au Québec, il y a environ 11 espèces de grenouilles et crapauds, dont quatre rainettes. Plusieurs d’entre elles sont communes, mais la rainette faux-grillon est considérée comme une espèce vulnérable au Québec, indiquant que sa survie ou celle de ses populations est jugée précaire, sans que la disparition de l’espèce soit redoutée à court ou à moyen terme. Au Canada, elle fait partie des espèces menacées. On juge qu’elle est susceptible de devenir une espèce en voie de disparition si rien n’est fait pour contrer les facteurs menaçant sa survie tels : 

  • la destruction de son habitat et la modification du régime hydrique (l’activité du castor, le remblayage et le drainage des terres pour le développement agricole, routier ou résidentiel sont des activités susceptibles de lui nuire);

  • la fragmentation des habitats qui limite la migration et les échanges entre les populations; 

  • la pollution, les conditions météorologiques et les pesticides qui peuvent altérer le système immunitaire de cette rainette, son habitat et ses ressources alimentaires; 

  • les espèces exotiques envahissantes, tels le roseau commun et les nerpruns bourdaine et cathartique; 

  • la succession végétale naturelle menant à un couvert arborescent fermé. 

 

 

Reconnaître la rainette faux-grillon

Il s’agit de la plus petite espèce d’anoures (groupe comprenant les rainettes, les grenouilles et les crapauds) du Québec. Elle mesure entre 1,9 et 3,7 cm. Elle est de couleur gris pâle à brun foncé ou parfois vert olive. Son ventre et ses côtés sont blanchâtres. Une bande de couleur foncée parcourt son côté, du museau à l’aine, en passant par la zone de l’œil. Parfois, il y a trois lignes larges et foncées sur son dos. Sa peau est légèrement granuleuse et ses doigts portent des ventouses à leur extrémité.  

La rainette faux-grillon est active dès la fonte des neiges. C’est d’ailleurs la première grenouille à chanter au printemps. Son chant ressemble au son d’un ongle passé sur les dents d’un peigne. 

Cette rainette se reproduit en avril.  Dès lors, on peut voir ses œufs, qui vont graduellement se transformer en têtards puis en adulte jusqu’au début de juillet. Enfin, les adultes hibernent entre novembre et mars. 

 

 

habitat de la rainette

Cette rainette utilise deux types d’habitats : un habitat aquatique pour se reproduire et un habitat terrestre pour le reste de ses activités. 

Son habitat de reproduction comprend une étendue d’eau libre, au sein d’un milieu humide dont le sol est inondé au printemps et reste saturé d’eau au moins jusqu’à la fin de juin, mais qui s’assèche plus tard au cours de l’été. Une végétation aquatique (joncs ou quenouilles) n’y est pas toujours établie. 

Son habitat terrestre se situe dans une bande de 200 m de largeur autour de ce milieu de reproduction. La rainette faux-grillon a besoin de litière, de pierres et de troncs d’arbres pour se cacher, se nourrir, se reposer et hiberner. 

 

 

Aménager son boisé en présence de rainettes

Si la présence de rainette faux-grillon est confirmée dans un boisé, il est recommandé d’appliquer les quatre étapes présentées dans l’encadré qui suit. Les trois premières étapes sont des recommandations générales applicables à la majorité des espèces sensibles. Puis, la quatrième propose des recommandations spécifiques aux besoins de la rainette faux-grillon. 

  1. Localiser et délimiter les habitats de reproduction et terrestre de la rainette. 

  2. Éviter de réaliser de fortes perturbations dans ces habitats, telles que le drainage forestier, l’installation d’aires d’empilement de bois et de débris de coupe, la construction de chemins ou le scarifiage. 

  3. Éviter de réaliser des sentiers de débardage dans l’habitat de reproduction ainsi que dans une bande de 15 à 30 m autour de celui-ci (la bande riveraine). 

  4. Adapter nos pratiques forestières à la sensibilité de la rainette aux perturbations. 

D’abord, la rainette étant sensible à la modification de la dynamique hydrique, on doit éviter de modifier le drainage et diminuer l’empreinte au sol de la machinerie, tant dans l’habitat terrestre que de reproduction. Pour ce faire, on peut utiliser un porteur adapté et planifier les sentiers de débardage sur des sols d’une capacité portante adéquate. Il faut aussi surveiller les modifications d’habitats que peuvent causer les castors, qui tendent à transformer les étangs temporaires en étangs permanents par l’inondation. 

Ensuite, la rainette étant particulièrement sensible en période de reproduction, il faut éviter les travaux et la circulation dans son habitat de reproduction entre le 1er mars et le 1er août. Ainsi, la rainette pourra se reproduire et la nouvelle génération pourra se développer sans contraintes.

Par ailleurs, la rainette appréciant principalement les milieux ouverts ou semi-ouverts durant cette période, on peut, si c’est possible, éclaircir la canopée près des étangs de reproduction potentiels. Cette ouverture du couvert permet d’y assurer un ensoleillement maximal entre 10 h et 15 h. Notons qu’il faut réaliser les entretiens de végétation nécessaires seulement manuellement.

Enfin, la rainette étant vulnérable aux contaminants et aux envahisseurs, on doit éviter de contaminer l’habitat en utilisant de la machinerie propre et des fluides biodégradables. Il faut également prévenir la propagation des espèces exotiques envahissantes, comme les nerpruns et le roseau commun. Pour cela, on évite le passage de machinerie dans leurs colonies, on garde végétalisés les bords de cours d’eau et de fossés agricoles et on végétalise immédiatement tout sol mis à nu. 

 

CE QU’ON PEUT FAIRE EN TANT QUE PROPRIÉTAIRE

Comme propriétaire d’un boisé, il peut être difficile de savoir si une espèce en situation précaire habite notre terrain et, plus encore, de délimiter son habitat. Sachez que des professionnels peuvent vous aider dans ces démarches et vous guider si vous prévoyez faire de l’aménagement forestier.

Certains conseillers forestiers ou organismes de conservation sont en mesure de consulter des bases de données cartographiques répertoriant et localisant ces espèces, inventoriées par le passé. Certains d’entre eux peuvent aussi réaliser des inventaires sur le terrain pour déterminer les espèces présentes. 

Vous pouvez aussi consulter des ressources en ligne. Le Centre de données sur le patrimoine naturel du Québec a créé une carte des occurrences des espèces en situation précaire. Cette carte contient aussi les habitats importants pour le maintien des populations locales.   

Pour en savoir plus sur les espèces trouvées, Internet est un atout de taille, mais il peut parfois être difficile d’y trouver de l’information crédible et applicable à la forêt privée du sud du Québec. Les fiches d’information créées par l’Agence forestière de la Montérégie, Conservation de la nature Canada, la Fédération des producteurs forestiers du Québec et l’Association forestière du sud du Québec ont été rédigées en pensant aux besoins des propriétaires forestiers locaux. Elles incluent des recommandations qui permettent de marier l’aménagement forestier et la protection des espèces grâce à une bonne planification.

Ces fiches ont été développées pour être ajoutées aux plans d’aménagement forestier. Dans certains cas, votre conseiller forestier peut ajouter les fiches des espèces répertoriées dans votre secteur au plan d’aménagement forestier qu’il prépare pour votre propriété. Ainsi, vous serez incité à garder l’œil ouvert pour tenter d’observer ces espèces sur votre terrain et serez mieux outillé pour faire des choix avisés quant à la gestion de votre boisé.

Enfin, si vous choisissez d’appliquer des mesures de protection, assurez-vous d’en informer votre conseiller forestier, les travailleurs et toute autre personne impliquée dans l’aménagement forestier de votre boisé, afin qu’elles soient appliquées et que vos objectifs soient atteints.

 


 

Pour consulter l’ensemble des fiches d’information disponibles, visitez le www.afm.qc.ca/paf-bonifies

Notez que des fiches additionnelles seront ajoutées au fil du temps afin de couvrir un maximum d’espèces vulnérables présentes dans le sud du Québec. 

 

 

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