Articles automne 2023

La faune des érablières : nuisance, innocuité ou bénéfice

Les érablières abritent une multitude d’espèces fauniques primordiale à la biodiversité du sud du Québec. Cependant, certaines espèces peuvent présenter des défis en matière d’acériculture. À l’extrême, ces espèces peuvent devenir nuisibles pour l’écosystème. Face à ces réalités, une question se pose : quel est le rôle de la biodiversité faunique dans une érablière en santé? Cet article explore ces enjeux brièvement en mettant en lumière les bénéfices, les nuisances potentielles et l’importance d’un équilibre écologique.

Que font les érablières pour la biodiversité?

Les érablières du sud du Québec constituent un habitat crucial pour une riche diversité biologique. Ceci inclut une diversité génétique, d’individus, d’espèces et d’écosystèmes, constituée d’animaux, de végétaux, de champignons et de toute autre forme du vivant. Au Québec, la biodiversité est plus élevée dans le sud de la province, où on retrouve aussi la majorité de la population humaine, de l’urbanisation et de l’agriculture. Les érablières privées constituent donc une fraction importante de la couverture forestière dans cette zone écologique. 

Bien que les érablières soient des écosystèmes clés pour la biodiversité du Québec, la diversité faunique de ces écosystèmes est rarement abordée. Pourtant, les érables et leurs espèces compagnes fournissent des habitats, de la nourriture et d’autres services essentiels à une diversité faunique importante. Quand on parle de faune dans les érablières, on mentionne souvent des ravageurs, des envahisseurs ou des espèces nuisibles, tels que les écureuils qui grignotent la tubulure et causent des fuites ou les épidémies de spongieuses qui dévorent les feuilles des érables. Pourtant, la biodiversité est bien plus. De nombreuses espèces fauniques dépendent de forêts décidues d’arbres matures avec un sous-bois ouvert et comme ces forêts se font de plus en plus rares dans le sud du Québec, les érablières privées restent souvent les derniers refuges de ces animaux comme le petit polatouche (ou écureuil volant), les salamandres cendrées ou le pic flamboyant.

Certaines de ces espèces sont malheureusement classées comme menacées au Québec par la perte de leur habitat, par exemple le pic à tête rouge et la paruline azurée. Plusieurs espèces de chauves-souris ont récemment été déclarées menacées à cause d’une maladie fongique nouvellement arrivée en Amérique du Nord.  Deux de ces espèces utilisent les érablières (pipistrelle de l’Est et petite chauve-souris brune) et ont besoin de ces habitats pour leur survie. Reconnaître et préserver tous les aspects de la biodiversité est primordial parce que nous sommes en train de perdre cette diversité de façon insidieuse et rapide. 

 

 

Que fait la biodiversité pour les érablières?

Les érablières, qu’elles soient exploitées à des fins acéricoles ou non, bénéficient largement des services rendus par la faune. Toutes les connaissances scientifiques nous indiquent que la diversité des espèces contribue à la résilience des écosystèmes, cruciale face aux perturbations croissantes. En effet, les intempéries, les feux et les épidémies seront de plus en plus fréquents et intenses dans le futur du sud du Québec. Ces aspects des changements globaux affectent déjà nos érablières, comme peuvent en témoigner certains acéricultrices et acériculteurs qui ont perdu des peuplements suite à une perturbation. De plus, deux menaces concrètes sont aussi à notre porte : le fulgore tacheté et le longicorne asiatique. Ces deux insectes attaquent les érables et causent des épidémies qui pourraient avoir des répercussions importantes. Dans le cas du longicorne asiatique, le résultat d’une infestation entraîne souvent la mort de tous les arbres infectés. Cependant, la biodiversité peut aussi être une véritable assurance vie en cas d’invasions. En effet, un écosystème diversifié a plus de chances d’abriter un prédateur ou un parasite qui pourrait diminuer les risques dès le début de l’infestation ou contrôler l’envahisseur après son arrivée.  De plus, dans un écosystème diversifié, la compétition pour les ressources est féroce et donc moins de ressources sont disponibles pour la prolifération d’envahisseurs potentiels. Au-delà de la santé des écosystèmes, la biodiversité offre également des avantages économiques et assure le bien-être des humains. 

 

     

 

Comment encourager une biodiversité et un équilibre écologique?

L’urgence de préserver la biodiversité a conduit le Canada et le Québec à s’engager à protéger 30 % des territoires via le protocole de Kunming-Montréal. Le gouvernement québécois a déjà annoncé un investissement de 200 millions de dollars dans la conservation de la biodiversité au sud du Québec avec le Plan Nature 2030. À l’échelle individuelle, nous pouvons également agir et encourager la biodiversité. En effet, de multiples outils et stratégies s’offrent aux propriétaires d’érablières. Pour encourager la biodiversité dans les érablières, il est conseillé de limiter les interventions humaines, de conserver un nombre d’arbres morts qui servent d’habitats, de protéger et de planter des espèces indigènes qui sont adaptées aux changements climatiques, tout en favorisant des aménagements qui imitent les perturbations naturelles. 

Premièrement, il est nécessaire de limiter les interventions et la construction d’infrastructures, surtout avec la machinerie lourde. Ceci est particulièrement important, car la fragmentation des habitats par les infrastructures, telle que les chemins forestiers, est une des causes primaires du déclin de la biodiversité. Deuxièmement, éviter le ramassage de tous les arbres et du bois morts dans l’érablière est particulièrement avantageux, notamment pour le pic à tête rouge qui niche dans les chicots. Les arbres morts qu’ils soient encore debout ou couchés à terre fournissent aussi des habitats importants pour les insectes dont la diversité protège des invasions. Troisièmement, on peut protéger et planter des espèces compagnes qui nourrissent et fournissent des habitats pour la faune, telles que les chênes, les noyers, les hêtres et les tilleuls. La protection et la plantation sont autant importantes pour les arbres que les végétaux du sous-bois. Les plantes indigènes favorisent bien plus la diversité de la faune que les espèces exotiques envahissantes comme le nerprun ou la renouée du Japon. La flore indigène de sous-bois arbore aussi une magnifique floraison au printemps. En mai, le sol est parsemé de fleurs comme les trilles rouges et blancs (espèce vulnérable), la sanguinaire du Canada (espèce vulnérable), l’arisème petit-prêcheur et bien d’autres. 

De manière générale, on devrait favoriser des aménagements qui s’apparentent à des perturbations naturelles et éviter de « faire le ménage ». Bien que l’acériculture soit devenue une industrie, la forêt n’est pas une usine de production et la traiter comme telle nuit autant la biodiversité que sa résilience et sa capacité à continuer de produire du sirop à long terme. Par ailleurs, les aménagements intensifs peuvent nuire à la régénération et même engendrer des problèmes d’espèces exotiques envahissantes. Mais, si les espèces exotiques envahissantes ont pris le dessus, il existe des techniques éprouvées pour rétablir la flore indigène (p. ex. regardez le guide cité à la fin de l’article). Vous devriez aussi chercher l’aide de plusieurs experts pour votre situation particulière avant d’intervenir. En résumé, pour bien protéger nos érables et notre production acéricole, nous avons le devoir de favoriser une bonne diversité d’espèces végétales et fauniques dans nos érablières.

 

 

Comment identifier la diversité?

La préservation de la biodiversité nécessite une connaissance approfondie de la faune. C’est seulement en identifiant les différentes espèces qui côtoient nos érablières qu’on peut détecter la présence des espèces menacées et des espèces qui pourraient devenir problématiques. Par exemple, les insectes constituent une grosse partie de la biodiversité des érablières, mais ils sont souvent moins connus à cause de leur petite taille. De plus, leurs multiples stades de vie les rendent difficiles à identifier. Heureusement, il y a beaucoup d’outils pour nous aider. Par exemple, il suffit de soumettre une image (ou des enregistrements sonores pour certains oiseaux) à l’application mobile iNaturalist pour obtenir immédiatement une identification par intelligence artificielle et pour, par la suite, recevoir des avis d’experts confirmant l’identification de l’espèce (lien vers un tutoriel à la fin de l’article). Pour les grandes espèces nocturnes ou les plus discrètes, on peut aussi installer des caméras-pièges. Une fois l’image capturée, on peut consulter l’application. En général, l’implication des experts reste précieuse pour avoir une deuxième opinion, confirmer l’identité, en apprendre davantage sur l’espèce et sur les potentielles interventions.

En résumé, la biodiversité des érablières est essentielle à la santé des écosystèmes et à la préservation de la biodiversité. Si certaines espèces individuelles peuvent causer des nuisances dans des circonstances particulières, rétablir un équilibre aide souvent à les contrôler. L’engagement envers la préservation de la biodiversité est crucial pour garantir un équilibre écologique stable et assurer la viabilité des érablières, des industries qui les exploitent et des communautés qui en dépendent. 
 


 

 

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