Lorsqu’on s’interroge sur les végétaux et leur façon de s’alimenter et de produire de l’énergie, on pense en premier lieu à la photosynthèse. Toutefois, les plantes utilisent une variété de stratégies pour absorber et fabriquer les éléments nécessaires à leur survie et leur croissance. Dans cet article, nous découvrirons certaines de ces stratégies ainsi que des exemples d’organismes connus ou moins connus utilisant des techniques qui sortent de l’ordinaire.
Les forêts n’ont pas de ressources infinies pour alimenter les végétaux et les autres organismes. Certaines sont très fertiles alors que d’autres sont extrêmement pauvres. Pourtant, on retrouve des végétaux quasiment partout au Québec. Certains vivants arrivent même à se frayer une place dans des endroits particulièrement inhospitaliers, comme le champignon ci-dessous qui a traversé le bitume d’un stationnement.
Les ressources disponibles
La plupart des végétaux utilisent les ressources du sol qu’ils combinent au gaz carbonique de l’air grâce à l’énergie solaire. C’est ce qu’on appelle la photosynthèse. Ça permet aux végétaux de fabriquer du sucre qui est ensuite transformé en énergie ou en matière pour la croissance. Des minéraux, de l’eau, du gaz carbonique et de la lumière sont donc nécessaires en quantité suffisante.
À la base, les végétaux absorbent l’eau et les minéraux à partir de leurs racines. L’absorption des ressources est donc directement proportionnelle à la disponibilité des ressources et au volume de sol occupé par les racines. Pour atteindre au mieux toutes les zones de terre, les plantes fabriquent une multitude de racines fines qui elles-mêmes sont couvertes de poils absorbants. Ensuite, pour augmenter leur capacité d’absorption, les végétaux vont aussi former différentes associations.
Les mycorhizes
Une des associations les plus connues est sans doute les mycorhizes. Il s’agit d’une relation symbiotique, soit une relation mutuellement bénéfique, entre un champignon mycorhiziens et un végétal. Le champignon forme un réseau dense de filaments dans le sol appelé mycélium. Grâce à son réseau, le champignon est particulièrement efficace pour absorber et accumuler l’eau et les minéraux. Il échange une partie de ceux-ci avec les végétaux contre des sucres. Contrairement à la majorité des végétaux terrestres, ces champignons sont particulièrement performants pour absorber le phosphore, un élément essentiel à la croissance. Cela permet donc aux plantes d’accélérer leur développement, et ce, jusqu’à 300 fois dans des cas exceptionnels.
Il existe des dizaines de milliers d’espèces de champignons mycorhiziens et leurs associations avec les végétaux ne sont pas exclusives. C’est-à-dire qu’une espèce végétale peut s’associer avec plusieurs champignons mycorhiziens. Seules quelques familles de végétaux ne forment pas de tels liens : les plantes aquatiques, les Brassicacées (ex. les choux), les Cypéracées (ex. les roseaux) et les Juncacées (ex. les joncs).
Les bactéries fixatrices d’azote
L’azote est un élément essentiel à la survie et la croissance des végétaux. L’azote assimilable est limité dans le sol alors que l’atmosphère contient de l’azote sous forme gazeuse en très grande quantité. En fait, 78 % de l’atmosphère terrestre est constituée d’azote. Comme les végétaux ne sont pas capables d’absorber l’azote gazeux, certains ont établi des associations avec des bactéries capables de le faire. On dit de ces bactéries qu’elles sont fixatrices d’azote. En fait, les bactéries utilisent l’énergie de la photosynthèse des végétaux pour faire transiter l’azote gazeux en ammoniac qui est utilisable par ces végétaux. Cette association permet à certaines familles de végétaux de s’installer sur des sols très pauvres.
Les plantes les plus connues réalisant une telle association appartiennent à la famille des Fabacées, ou légumineuses. Parmi ce groupe, il y a certains arbres, dont le févier d’Amérique et le robinier. L’aulne est aussi un petit arbre s’associant aux bactéries fixatrices d’azote.
Le lichen
Le lichen est un exemple de symbiose. Le lichen est en fait une association entre un champignon et une algue. L’un fournit eau et protection alors que l’autre offre les nutriments. Il existe plus de 20 000 espèces de lichen dans le monde, distribuées des régions tropicales aux zones nordiques. Les lichens sont des organismes très résistants aux conditions environnementales. Ils peuvent d’ailleurs survivre à des mois de sécheresse totale. Par contre, ils sont très sensibles à l’activité humaine et à la pollution. Contrairement aux végétaux, le lichen ne possède pas de cuticule, une barrière protectrice. Il absorbe donc tout ce qu’il y a dans l’air et dans l’eau, ce qui inclut les ressources nécessaires à sa survie mais aussi la pollution.
Les lichens sont capables de vivre dans des conditions extrêmes. c’est pourquoi divers spécialistes croient qu’ils font partie des premiers organisme à s’être installés sur la terre ferme. Ils auraient ainsi potentiellement contribué à créer un terreau pour les végétaux qui ont suivi.
Saviez-vous que les lichens peuvent vivre très longtemps? Certains vivant en Artique seraient âgés de 8 600 ans.
Le partage de ressources
Il existe une théorie disant que les arbres s’entraident en partageant leurs sucres via les systèmes de mycorhizes. Celle-ci a récemment été réfutée par une trentaine d’écologistes forestiers par manque de preuves significatives et en raison des nombreuses observations contraires. La théorie dit qu’un plant mère peut alimenter des semis et les favoriser. Toutefois, les expériences démontrent que la coupe des arbres mères aide la croissance des semis et non le contraire.
Il y a un cas où l’on pourrait parler de partage, même si ça n’en est pas vraiment vu qu’il s’agit du même individu. Il s’agit du drageonnement, soit de nouvelles tiges qui poussent à partir des racines d’un arbre mère. Ces nouvelles tiges profitent des sucres de la tige principale pour croître plus rapidement. Il faut néanmoins voir ce processus comme un mode de reproduction plutôt qu’un système d’entraide entre les arbres.
L’évitement du partage des ressources
De façon générale, les végétaux agissent à l’opposé du partage et de façon protectionniste, ils tentent de se réserver les ressources disponibles à proximité d’eux-mêmes. C’est le cas des arbres produisant une substance appelée juglone qui cause des réactions toxiques. Les noyers cendrés et noirs sont les plus grands producteurs de juglone. Les autres noyers, les caryers et les pacaniers sont d’autres exemples de producteurs de juglone, mais en quantité moindre.
Les noyers accumulent la juglone dans chacune de leurs parties. Par la chute des feuilles et la rhizodéposition (sécrétion de substances par les racines), le sol à proximité des noyers s’enrichit en juglone. Comme la juglone est un inhibiteur de la respiration des végétaux, les plantes sensibles poussant à proximité ont de la difficulté ou sont incapables de créer l’énergie nécessaire à leur survie. Cela peut causer une interruption de la croissance, un flétrissement partiel ou total, ou même la mort des végétaux touchés.
Les jeunes noyers ne semblent pas causer de réaction de toxicité avant d’atteindre 7 ou 8 ans. Une fois la juglone dans le sol, la substance peut persister plus d’une année après le retrait de l’arbre. Dans les sols bien drainés, l’effet de toxicité est atténué et n’est visible que sur les plantes dont les racines ont un contact direct avec les racines de noyers.
Les végétaux ne sont pas tous sensibles à la juglone pour diverses raisons. Par exemple, certains ont observé que les arbres à racines profondes seraient plus tolérants que la moyenne. Parmi les arbres tolérants à la juglone, il y a l’aubépine, les caryers, les chênes, la plupart des érables, le genévrier, l’orme, le platane, la pruche du Canada et le robiner faux-acacia. À l’opposé, l’aulne, le bouleau blanc, l’épinette de Norvège, l’érable argenté, les pins rouge, sylvestre et blanc, et le tilleul d’Amérique sont des arbres sensibles.
Le vol des ressources
Il existe des plantes qui sont incapables de faire de la photosynthèse. Il s’agit des monotropes. Ce sont de petites plantes forestières qui peuvent ressembler à des champignons étranges pour certains, mais qui sont bien des végétaux. Ils sont blancs, car ils ne contiennent pas de cellules photosynthétiques, ce qui explique leur incapacité à fabriquer du sucre par photosynthèse. Les monotropes ont donc développé une stratégie opportuniste pour absorber les minéraux et le sucre fabriqué par autrui. Ils parasitent l’association symbiotique entre un champignon et un arbre en se connectant à leur réseau et en absorbant une partie des fruits de leur travail.
Ce mode d’alimentation permet au monotrope de se développer dans des environnements très sombres. Toutefois, comme il doit parasiter une association précise entre un champignon et un arbre, la propagation du monotrope est difficile. Cela explique leur faible abondance par apport aux végétaux photosynthétiques classiques. De façon générale, on retrouve les monotropes dans les forêts de conifères.
Le carnivorisme
Certains milieux sont tellement pauvres que des plantes ont développé la capacité de se nourrir d’autres vivants pour compenser leurs besoins en sucre. Il s’agit des plantes carnivores. Il existe une variété de plantes carnivores. Certaines utilisent un principe très simple et passif. Elles sont en forme d’urne où s’accumule de l’eau. Les insectes s’y noient puis s’y décomposent. Les nutriments issus de cette décomposition se distribuent dans l’eau et sont absorbés par les parois de la plante.
D’autres plantes carnivores ont développé la capacité de sécréter des sucs digestifs pour digérer leurs proies. Certaines se sont adaptées à capturer ou à retenir leur proie, et ce, en se refermant sur elles-mêmes ou en sécrétant des substances adhésives. Enfin, certaines plantes carnivores sont colorées ou sécrètent du nectar pour attirer les proies.
En somme, les végétaux ont développé une variété de mécanismes pour absorber les éléments et les sucres nécessaires à leur survie et leur croissance. Cette diversité leur permet d’habiter les environnements riches comme les plus arides.